D. de Villepin et la présidentielle (01/02) (Edito 72)
Les difficultés rencontrées par Dominique de Villepin pour se réintroduire avec efficacité dans la campagne présidentielle attestent, si besoin était, de l'émergence de deux nouvelles caractéristiques frappant la vie politique française.
D'une part, la vie politique est entrée de façon permanente dans une réelle et nouvelle démocratie d'opinion.
D'autre part, avec le rythme propre au quinquennat et de surcroît avec la mise en oeuvre désormais incontournable d'étapes de primaires, c'est un nouveau calendrier de communication qui s'impose aux candidats à l'élection présidentielle.
En ce qui concerne la démocratie d'opinion, cette évolution signifie que la vie politique française connaît un changement important : la soumission constante des leaders à l'appréciation de l'opinion. Dès l'instant qu'un décrochage se produit, il leur est indispensable d'apporter la correction dans les délais les plus brefs, sinon cette situation marginalise puis exclut du jeu celles et ceux qui restent en situation de trop forte impopularité et qui "passent de mode".
S'agissant du quinquennat, il impose un nouveau rythme de communication. Il importe d'observer que les deux candidats qui ont émergé comme représentants de leurs composantes politiques sont ceux qui se sont déclarés le plus tôt et le plus ouvertement candidats à la présidentielle, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royale.
Cette situation nouvelle signifie que, sur une période de cinq ans, trois ans seront consacrés à la gestion des affaires gouvernementales puis une année à la préparation de la primaire et une année au déroulement proprement dit de la campagne présidentielle.
C'est un rythme qui se rapproche de celui vécu aux Etats-Unis où chaque mandat présidentiel correspond à un temps d'action particulièrement bref de l'ordre de deux ans dans la lignée directe de la légitimité toute fraîche. Il importe ensuite à chacun des partis politiques d'ouvrir presque à mi-mandat le temps de la prochaine campagne présidentielle. Il n'y a pas nécessairement matière dans ce nouveau rythme à considérer qu'il puisse constituer un inconvénient ou une évolution négative. Cela signifie tout simplement que nous allons assister à un renouvellement accéléré de l'élite politique, à la difficulté désormais de rester dans le jeu après un échec cinglant dans la mesure où ce temps court permet difficilement l'oubli et le repositionnement sur des bases totalement nouvelles.
A côté de ces tendances générales, il est également à noter que les difficultés rencontrées par Dominique de Villepin sont d'autant plus fortes que, par son profil, sa carrière politique, il est peu à même de vivre une campagne de communication dite d'intimité. Son positionnement élitiste rend difficile une présence efficace dans les circonstances actuelles marquées essentiellement par une attente de proximité.
Le discours de Nicolas Sarkozy lors du congrès du 14 janvier a été significatif en ce domaine. Il a consacré un temps plus important à revenir sur ses étapes d'échecs, d'éloignement du pouvoir pour attester des capacités qui avaient été les siennes à vivre éloigné des cercles du pouvoir et résister aux différentes sollicitations naturelles d'abandon qui peuvent exister dans de telles conditions.
Ce qui est probablement le plus étonnant dans l'accélération de ce calendrier c'est que deux cas de figures se présentent désormais.
La victoire du candidat de l'UMP à la prochaine présidentielle entraînerait, notamment pour des raisons d'âges mais aussi probablement pour des raisons de sensibilités, la disparition de toute une génération de leaders ayant effectué leurs carrières dans les satellites directs du pouvoir chiraquien. Si la présidentielle se solde par l'échec de la candidature du représentant de l'UMP, il appartiendra alors d'attendre l'analyse des raisons de l'échec. Si cet échec est interprété comme la sanction d'une campagne trop libérale. Dans ce cadre-là, il peut exister une fenêtre de tir pour des personnalités telles qu'Alain Juppé ou Dominique de Villepin. Si l'échec devait être interprété comme la difficulté à surmonter un bilan rejeté par l'opinion ayant donc conduit à une élection par défaut de la candidate socialiste cette fenêtre de tir disparaîtrait.