D. de Villepin et la présidentielle (02/02) (Edito 73)
En réalité, l'exclusion progressive du Premier Ministre de la course active à la présidentielle s'est avérée révélatrice de deux éléments. Il remplissait toutes les qualités pour représenter un nouveau leader à fort charisme mis en évidence dans des conditions particulièrement performantes lors de la rentrée de septembre 2005 à la Baule mais la véritable difficulté est intervenue lors des crises rencontrées par le Premier Ministre.
Il a, dans ces circonstances, manqué des rendez-vous qui profilent les nouveaux leaders. D'une part, il s'agissait de passer d'un leader à l'ancienne, personnage vedette solitaire à un leader moderne qui doit être un personnage animateur.
D'autre part, il n'a pas su apparaître en permanence à l'écoute des citoyens de façon à les rassurer sur sa capacité à comprendre les problèmes de leur vie quotidienne.
Le premier enjeu est un enjeu majeur dans la mesure où, au cours de la dernière décennie, un nouveau style de leader est apparu exigeant un positionnement personnel différent puisque passant du décideur solitaire à celui d'animateur d'une équipe en prise permanente avec les échanges et la diversité qui peuvent résulter de cette équipe.
Le second volet a résulté de la difficulté à organiser le Gouvernement à partir de personnalités fortes susceptibles de monter au premier plan dans les circonstances délicates.
Ce fut d'ailleurs très souvent une préoccupation majeure dans les différents gouvernements chiraquiens. Dominique de Villepin a retrouvé une structure de décision et de gestion des interventions gouvernementales très proche de celle qui avait marqué la gestion d'Alain Juppé dans la période 1995-1997. Or, cette concentration des pouvoirs par le Premier Ministre l'expose excessivement et, par conséquent, érode ses positions et le fragilise.
Il est en permanence sur le devant de la scène comme si chaque décision était le fruit de son implication personnelle. Il ne se ménage aucun fusible et l'équipe Gouvernementale, à la différence de ce qui avait pu exister du temps de Lionel Jospin, compte insuffisamment de "poids lourds" susceptibles de diversifier les initiatives comme les motifs de mécontentements.
Le Premier Ministre doit être celui qui pilote les décisions plutôt que celui qui prend en permanence les décisions. C'est là une modification majeure qui n'a pas été prise en considération suffisamment par Dominique de Villepin.
Il se doit de donner les impulsions et de tirer les conséquences, mais pour le reste, il doit apparaître à l'écoute et surtout capable de faire équipe avec les autres membres majeurs de son gouvernement.
C'est parce qu'il est passé à côté de ces deux modifications que Dominique de Villepin s'est progressivement exclu de lui-même de la course aux présidentielles puisque présentant désormais un profil de leader à l'ancienne et non pas de leader moderne.
Ce aspect est d'autant plus intéressant que, par son âge et par ses capacités intellectuelles, rien ne le prédestinait à vivre une telle marginalisation.
Il deviendra également un sujet d'observation sur la capacité désormais d'un leader de haut niveau à se réengager dans une course présidentielle dans la logique nouvelle du quinquennat qui impose des échéanciers de réactions, de ré-implications particulièrement brefs ne permettant donc pas à l'opinion publique de gommer les premières impressions qu'elle peut avoir à destination d'un responsable public.
Sous cet angle, Dominique de Villepin peut apparaître dans le temps comme le leader réellement emblématique d'un véritable changement de régime de communication de la Ve République.
Le discours de N. Sarkozy le 14 janvier 2007 augure un nouvel esprit présidentiel plus impliqué dans la concrétisation du mandat passé avec les Français.
Avec D. de Villepin c'est peut-être la page tournée d'une certaine conception de la fonction de Premier Ministre marquant également la fin d'une certaine lecture des Institutions de 1958.