La campagne de Ségolène Royal (01/02) (Edito 76)

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A l'occasion des primaires internes au parti socialiste Ségolène Royal a mis en oeuvre une triple innovation qui a constitué la vraie valeur ajoutée de la candidate et probablement l'explication de sa victoire.

Elle a été en effet la première à percevoir trois tendances nouvelles dans le débat politique :

- le besoin d'intimité que la candidate a assumé à cette époque en exposant avec intensité et détails son parcours personnel, sa jeunesse, les difficultés rencontrées, son tempérament.

- Le besoin de dialogue conçu comme un outil de meilleure considération des citoyens permettant de nouer un rapport différent entre les responsables politiques et les citoyens.

- Enfin, Ségolène Royal a répondu à l'attente de l'électorat désireux de s'émanciper des clivages traditionnels droite / gauche en mettant en évidence de nouvelles valeurs dont cette notion "d'ordre juste".

Depuis le début de la campagne présidentielle active, c'est-à-dire après sa désignation comme candidate officielle du parti socialiste, Ségolène Royal a eu du mal à trouver son nouveau rythme de campagne.

Le meeting du 11 février porte en lui l'indication des problèmes rencontrés.

Ségolène Royal est en effet victime du "complexe du Prince de Galles" qui frappe la quasi-totalité de la gauche française.

Ce complexe peut se présenter ainsi. Il s'agit de rêver à l'après François Mitterrand sans pour autant parvenir à l'incarner.

François Mitterrand n'a pas d'héritier, pas davantage de successeur. Il n'a pas désigné de dauphin. A sa disparition, c'est donc un paysage vide qui est apparu.

Ce vide n'a pas été encore comblé à ce jour tant l'impact moral est grand de la part de celui qui demeure le seul à avoir gagné deux élections présidentielles en qualité de candidat de la gauche.

Comment comprendre cette situation ?

Cette situation est liée à la personnalité même de François Mitterrand qui a été candidat à la tête du parti socialiste en étant davantage un porte-parole qu'un inspirateur fidèle à la pensée traditionnelle socialiste.

Il a concentré tout au long de sa carrière l'ensemble de ses immenses capacités intellectuelles et oratoires à rassembler sur son nom des notions contradictoires voire même rivales. Son style de gouvernement s'est d'ailleurs fortement inspiré de cette capacité permanente aux compromis, au pragmatisme, au captage d'héritages dans des domaines politiques les plus divers.

Cet art n'appartenait qu'à lui.

C'est la raison pour laquelle François Mitterrand n'a pas laissé d'héritier, de successeur, de dauphin.

Le véritable enjeu de Ségolène Royal réside dans sa capacité à occuper ce vide.

Par son style comme par la nouveauté que sa démarche incarnait, elle a su créer un indiscutable désir de candidature.

Il lui reste désormais à attester sa capacité à transformer ce désir de candidature en désir d'élection.

Quand elle présente 100 mesures pour une France neuve, elle se rapproche du catalogue des 110 propositions de 1981.

Dans le message officiel à l'occasion de l'organisation du meeting du 11 février figure le rappel du même organisateur que celui des congrès socialistes du temps des années 80 ...

Tous ces clins d'oeil sont significatifs d'une psychologie qui pense à l'après Mitterrand mais qui ne parvient pas à vivre l'après Mitterrand en assumant sa part entière d'originalité, d'authenticité, de différence.

Là réside la principale inconnue de la campagne à venir de la candidate socialiste et probablement l'enjeu de sa victoire.

  • Publié le 13 février 2007

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