La campagne de François Bayrou (01/02) (Edito 78)
François Bayrou est actuellement le candidat à la mode. Cette mode est possible parce que l'actuelle campagne présidentielle marque le grand retour de l'État spectacle. Après les grandes batailles idéologiques, le temps de la "guerre des images" domine la campagne. L'opinion ne veut plus des idées mais des personnalités. En réalité, ce n'est pas seulement une affaire de mode, des facteurs structurels profonds durables expliquent cette évolution.
Tout d'abord, la France est en panne d'idées. Même si elle se refuse à l'admettre, son "modèle" a volé en éclats.
L'opinion refuse de regarder en face certaines réalités : le poids de la dette, les conditions de lutte contre le chômage, l'impact durable de la concurrence internationale et probablement aussi l'évolution désormais structurelle à la baisse du pouvoir d'achat.
Par conséquent, il n'y a aucune raison de pouvoir considérer aujourd'hui que la France soit au "bout du tunnel". Le spectacle permet d'évacuer ce débat d'idées que l'opinion n'a pas encore accepté d'ouvrir sérieusement.
Ensuite, deuxième facteur, l'élection présidentielle écrase la totalité de la vie publique française à plus forte raison avec la mise en place du quinquennat.
De l'Élysée, tout découle. Cette présidentialisation du régime rime avec personnalisation.
Enfin, cet État spectacle repose également sur une nouvelle logique de communication. Hier, le candidat était un communicant généraliste mettant en avant un programme adapté à une multitude de situations détaillées.
Aujourd'hui, c'est le règne de l'élection à enjeux. Il importe d'identifier les enjeux dominants, clarifier son offre pour s'identifier à la réponse efficace sur les enjeux en question.
Ainsi, une campagne ne repose plus sur la logique de bataille projet contre projet mais véritablement une bataille image contre image.
L'opinion est assiégée par une multitude d'informations.
L'efficacité n'est pas la dispersion sur de très nombreux thèmes d'exposition mais bien au contraire l'approche de concentration sur un ou deux enjeux majeurs qui vont véritablement constituer la grille de lecture structurante de la décision de l'opinion.
Sous cet angle, ce choix est déterminant. Ce n'est pas une approche aléatoire ou de hasard. C'est un véritable processus stratégique imposant une sélection rigoureuse.
C'est un véritable travail professionnel qui va conditionner le résultat final.
La campagne de François Bayrou s'inspire très directement de cette logique d'enjeu.
Il veut incarner le nouveau style, celui qui tourne le dos aux logiques classiques des partis politiques comme au profil des candidats.
Sa véritable offre est donc celle de la nouvelle politique autour de la logique de l'union nationale et d'un candidat différent.
En ce qui concerne ces deux enjeux majeurs, cette offre veut que l'ancien clivage droite / gauche ait fait son temps et que par conséquent le véritable nouveau changement consiste à s'extraire de cet ancien clivage. Il est certain que les Français aspirent à un schéma d'union face aux dangers de la présente période. C'est un sentiment encore confus mais apparu depuis longtemps dans les enquêtes. Quand la période est dure, le pays aime se rassembler, montrer son unité et mettre à contribution toutes les compétences.
S'agissant de son profil personnel, il repose sur une approche délibérément provinciale, résolument terrienne. S. Royal avait remarquablement occupé ce créneau lors des primaires socialistes en apparaissant comme la "candidate des Régions". Par son ancrage et ses images fortes dont le symbole du tracteur, F. Bayrou la renvoie au jeu des partis politiques classiques.