La campagne de François Bayrou (02/02) (Edito 79)
En plein coeur de campagne la question essentielle est désormais pourquoi François Bayrou est-il si populaire ? Pour répondre précisément à cette question, il importe d'intégrer trois facteurs déterminants.
Tout d'abord, la vie politique française est entrée, quelques années après la vie anglo-saxonne, dans la logique de la démocratie d'opinion. Cette logique suit une évolution implacable particulièrement réactive qui modifie bon nombre de règles traditionnellement admises. Les ancrages idéologiques sont considérablement fragilisés. L'opinion bouge rapidement en fonction de perceptions liées pour l'essentiel à des images ou à des réactions traductrices d'un tempérament.
Le premier communicant à avoir intégré cette nouvelle donne fut aux États-Unis Ronald Reagan. Il a d'ailleurs, pendant une partie de son mandat, mis en oeuvre cette nouvelle logique dans des conditions qui méritent actuellement une attention particulière.
Sa popularité personnelle reposait sur des symboles visuels emblématiques tellement forts qu'elle écrasait une réalité d'impopularité quant à la politique conduite.
Ainsi, entre 1982 et 1983, seulement 37 % des Américains se disent conservateurs.
Les études montraient que l'opinion publique était très largement hostile à la diminution des budgets sociaux.
81 % étaient hostiles à une augmentation des dépenses militaires.
76 % étaient favorables à un nouvel accord entre l'Union Soviétique et les Etats-Unis.
Au moment où l'opinion décrochait de la réalité de la politique conduite par Reagan, ce dernier battait tous les records de popularité à tel point que la même année le New York Times consacrait une étude au Président jugé le plus important des 50 dernières années devançant notamment Eisenhower et Kennedy.
Sur quoi reposait la popularité du Reagan ?
Deux piliers majeurs : la confiance qu'il redonnait aux Américains et sa certitude de toujours croire en son pays.
Par ces deux volets complémentaires, l'opinion s'identifiait à lui. Il était le "brave gars" contre toutes les contraintes qui entravaient son action.
François Bayrou est actuellement dans la même logique symbolique.
Il incarne l'histoire d'un homme simple montant à la Capitale en ayant la volonté de rétablir certains repères essentiels dont celui de redonner confiance au pays en respectant les "gens ordinaires".
Si ce message demeure l'enjeu de campagne pour l'opinion, il conduira le leader centriste au succès lors de la présidentielle.
Derrière cette logique, il y a la volonté dans l'opinion publique française de condamner les "big brothers" modernes que peuvent être les grands partis, les grands médias, les grandes structures industrielles qui donnent aux citoyens ordinaires le sentiment de pouvoir les broyer en toute impunité et en toute irresponsabilité.
La démocratie d'opinion n'est pas une opinion rationnelle. C'est une opinion sentimentale, émotionnelle, réactive. Le dernier scrutin (référendum sur le traité européen) en fut une illustration caricaturale.
Ce 1er facteur est dominant. Le second s'ajoute. Bayrou incarne le leader de proximité auquel il est facile de s'identifier. C'est le leader sympa, tolérant, d'accès facile. Il rassure.
Enfin, dernier facteur, l'opinion est traversée par un terrible besoin d'harmonie. Elle attend des "collectivités couettes" qui protègent en ces temps si difficiles et incertains.
L'union des compétences et des bonnes volontés participe de cet esprit.
Une nouvelle opinion publique était née depuis le début du nouveau millénaire. Elle va peut-être entraîner une nouvelle donne politique majeure ?