Jean - Daniel Lévy et le rebond de l'exécutif

Baromètre de confiance dans l'exécutif Harris Interactive / Délits d’Opinion : Jean-Daniel Lévy répond aux questions de Délits d’Opinion

Interview de Jean-Daniel Lévy, Directeur du Département Politique-Opinion de Harris Interactive


Délits d’Opinion : Second mois de hausse pour Hollande, 3ème mois de tendance positive pour Ayrault : quelles catégories contribuent à ce regain de popularité de l'exécutif, et comment peut-on l'expliquer ?

Jean-Daniel Lévy : La question que nous posons aux Français est la suivante : « Faites-vous tout à fait confiance, plutôt confiance, plutôt pas confiance ou pas du tout confiance à François Hollande en tant que Président de la République pour mener une bonne politique pour la France ? ». Il ne s’agit donc pas de demander aux personnes interrogées si la politique menée correspond à leurs attentes, pas plus que de savoir si elle leur apparait efficace mais bien d’identifier leur perception de la capacité du Président – et du Premier ministre – à mener une politique bonne pour le pays. La réponse est majoritairement négative mais moins nettement que par le passé.

Le regain de confiance est plus marqué au sein du « cœur de cible » du Président (les sympathisants socialistes), les jeunes de moins de 35 ans (et même d’une manière générale les moins de 50 ans) ainsi que les personnes issues des catégories supérieures. On reconnait à François Hollande l’honnêteté (qu’il faut essentiellement entendre comme une honnêteté intellectuelle et pas nécessairement une probité), la compétence, le sérieux… Il est fait référence aux réformes et également à Nicolas Sarkozy. Relevons qu’il n’est pas fait mention, par les interviewés, de mesure majeure ou d’événement particulièrement marquant. C’est visiblement la posture du Président qui, réaffirmée, lui permet de tirer un léger bénéfice d’opinion. Il crée une dynamique légèrement positive entraînant avec lui le Premier ministre.

Observons également qu’il n’est que très marginalement fait référence à Delphine Batho que ce soit comme un acte fondateur d’une autorité affirmée de l’exécutif ou comme une critique de la position adoptée.



Délits d’Opinion : A contre-courant de la tendance haussière, la popularité des plus de 65 ans connaît un repli pour le second mois consécutif. La défiance historiquement forte de cette catégorie à l'encontre du Président constitue t-elle un handicap dans la perspective de la réforme des retraites ?

Jean-Daniel Lévy : L’absence de confiance des personnes les plus âgées à l’égard de François Hollande est structurelle. Rappelons, au préalable, que les personnes âgées sont plus à droite sur l’échiquier politique et qu’elles n’ont, dès le départ, pas apporté de soutien au Président. Déjà en mai 2012, elles n’étaient que 44% à prêter leur confiance au Président fraîchement élu. Rappelons également que le dossier des retraites n’a été, pour les Français que la neuvième motivation de vote (21%) et que ce les personnes âgées de 65 ans et plus étaient la même proportion à mobiliser cette thématique. Auprès de cette frange de population, « l’Europe », « la compétitivité des entreprises françaises », « la sécurité des personnes et des biens » étaient plus citées le jour du premier tour de l’élection présidentielle. Aussi, ce ne sont pas nécessairement ceux qui sont actuellement concernés qui nourrissent le plus d’inquiétudes à l’égard de la réforme des retraites. Peut-être parce qu’aujourd’hui peu anticipent une baisse des pensions existantes. En revanche, sur ce dossier, la tranche générationnelle précédente apparait plus susceptible de considérer le sujet intensément : les Français âgés de 50 à 64 ans, c’est-à-dire ceux pouvant voir leurs conditions immédiates de départ en retraite modifiées, se sentent plus « concernés » et ont adopté leur comportement électoral en conservant – plus que les autres – cette thématique à l’esprit. Pour le moment, on n’observe guère de décrochage important dans cette tranche d’âge. Il nous faudra observer leur mobilisation potentielle du terme « retraite » comme explication de leur absence de confiance à l’égard de l’exécutif au cours des mois à venir.



Délits d’Opinion : Parmi les sondés insatisfaits du Président et du Premier ministre, comment expliquer que la question du chômage ne soit citée que de façon très minoritaire comme facteur de défiance ?

Jean-Daniel Lévy : « Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ». Cette phrase, prononcée en son temps par François Mitterrand marque probablement quelque peu les esprits. Et si l’emploi constitue le premier thème de campagne, on ne peu considérer de lien intime entre assignation d’action, attente de résultats et attitude d’opinion. Oui, il faut agir contre le chômage disent les Français et, dans un même élan, un doute sera présent quant à la capacité des responsables politiques à pouvoir mener une action efficace. Lionel Jospin n’a pas bénéficié électoralement de la baisse du chômage. Les électeurs pouvaient, en 2012, assigner cette mission à François Hollande tout en doutant de sa capacité à pouvoir atteindre ce but. Ce n’est pas tant lui qui est jugé que les responsables politiques dans leur ensemble. Droite et Gauche s’étant succédé au pouvoir depuis une trentaine d’années, on apprécie en France le volontarisme, on doute des effets. A cela, le climat européen vient se surajouter et accroitre le scepticisme. Sans remiser l’urgence.



Délits d’Opinion : Manuel Valls a t-il été affecté par les évènements de Trappes et les attaques de la Droite à son égard ?

Jean-Daniel Lévy : La confiance en Manuel Valls en tant que Ministre de l’Intérieur n’a pas été affectée par les événements de Trappes. Pas plus qu’il ne semble en avoir tiré profit (51%, stable, toujours en première position). On reconnait, en France, à Manuel Valls une forme de constance. La mobilisation de la thématique de la République rassure. Et rend lisible – ou intelligible – son action. Dans un environnement qui apparait comme étant peu aisément appropriable, le discours de Manuel Valls a le mérite, pour les Français, de nourrir un idéal auquel ils sont attachés et auquel ils aspirent. Dans ce contexte, ni les événements de Trappes, ni « l’attaque » du RER D, ni même les incidents du Trocadéro (lors de la cérémonie orchestrée par le PSG champion de Ligue 1) n’ont durablement impacté la confiance dans l’actuel Ministre de l’intérieur. Pas plus que de tels moments de violence pouvaient avoir une incidence négative sur la confiance exprimée à l’égard de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était Ministre de l’intérieur.

Méthodologie : Enquête réalisée en ligne du 19 au 22 juillet 2013. Echantillon de 1 226 individus représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l’access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).


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  • Publié le 31 juillet 2013

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