Nicolas Sarkozy face aux idées reçues
Dans la préparation du second tour, le leader UMP doit affronter un paysage politique marqué par de nouvelles tendances. Quels sont les principaux enseignements du premier tour ?
Au lendemain du 1er tour de la présidentielle, il y a 5 " idées reçues " qui prennent corps et vis-à-vis desquelles, il importe de garder des distances.
La première idée, c'est qu'une " nouvelle France politique " serait née.
Il est vrai que la juxtaposition des cartes politiques des dernières consultations électorales (Régionales, Referendum sur le traité constitutionnel européen, Présidentielles) laisse apparaître des distorsions considérables.
En réalité, chaque élection est désormais relative à un enjeu précis. Elle devient donc très circonstancielle. L'évolution des enjeux impacte l'évolution des électorats d'où l'instabilité des rapports des forces politiques.
Seconde idée, l'électorat connaîtrait une forte droitisation. C'est inexact. Les partis de droite enregistrent des transferts parce que le PS n'est pas parvenu à s'adapter sur un courant culturel puissant qui est l'attente de sécurité.
La gauche subit un divorce entre son discours politique et la demande culturelle sur ce dossier précis. Elle est plombée par ce divorce. Son discours est trop " radical " au sens laxiste du terme, trop élitiste, trop compassionnel. Elle s'aliène en conséquence une partie considérable de ses réserves électorales traditionnelles notamment populaires.
En revanche, à l'exception de ce clivage, les valeurs classiques de la droite ne connaissent pas d'embellie particulière.
Par l'originalité de son profil, Ségolène Royal a masqué cet enjeu pendant les primaires socialistes. La réalité ne pouvait être contournée plus durablement. C'est une " remise à niveau de son offre politique " que doit opérer la gauche dans ce domaine pour retrouver une réelle compétitivité.
Troisième idée, la baisse du Front National traduirait une réaction civique collective. Le scrutin de 2002 était d'abord un électrochoc pour dénoncer la cohabitation. Cinq années de " co-gestion " RPR-PS troublaient alors les repères. La nouvelle donne politique (une majorité face à une opposition républicaines) comme le changement générationnel en 2007 ont totalement modifié le contexte.
L'usure personnelle du leader du FN (comme celle d'A. Laguiller pour LO) a amplifié le mouvement.
Quatrième idée, F. Bayrou a fait renaître le centre. F. Bayrou est la création médiatique du 1er semestre 2007 comme Ségolène Royal fut la création médiatique du 1er semestre 2006.
La starification des leaders politiques conduit à un emballement qui s'auto-entretient pour partie. L'actualité passée, cette médiatisation s'effondrera aussi vite qu'elle est née.
C'est un phénomène " à l'américaine " qui accélère les éclosions mais aussi les disparitions.
Il sera d'ailleurs très intéressant de suivre dans la durée les trajectoires de S. Royal et de F. Bayrou si la première est la perdante du second tour comme le second est le perdant du premier tour.
Cinquième idée, la " bonne vieille bipolarisation droite / gauche" est bien réinstallée pour une longue période.
La vraie division est entre les tenants de la " réforme crédible " et ceux de " l'autre modernité ".
Cette " autre modernité ", reposant sur des valeurs souvent rattachées à un passé supposé meilleur, s'est avérée incapable de devenir une idéologie crédible d'où l'effondrement de la " gauche de la gauche ".C'est probablement là le véritable enjeu du second tour qui s'avère être dominé par la prévision de la victoire de Nicolas Sarkozy sauf accident.
Posera-t-il les fondements du vote du second tour sur des bases permettant un large rassemblement après sa victoire ; ce qui était le défi principal de Chirac en mai 2002 ?
Autour de cette " réforme crédible ", il poserait une nouvelle donne politique délicate pour l'unité du PS dans le temps et ouvrirait alors, mais alors seulement, la voie à une nouvelle France politique.