Le Front National et l'émancipation du 22 mars
Dans les Mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand souligne que « tout événement, si misérable ou odieux qu'il soit en lui-même, lorsque les circonstances en sont sérieuses et qu'il fait époque, ne doit pas être traité avec légèreté : ce qu'il fallait voir dans la prise de la Bastille (et ce que l'on ne vit pas alors), c'était non l'acte violent de l'émancipation d'un peuple, mais l'émancipation même. La colère brutale faisait des ruines, et sous cette colère était cachée l'intelligence qui jetait parmi ces ruines les fondements du nouvel édifice ».
C'est peut-être la même émancipation qui sera la marque durable du scrutin du 22 mars.
Si le Front National arrive en tête avec un score d'un tiers des votants en moyenne, on ne peut plus faire comme avant. Qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore, rien ne sera plus comme jusqu'au 21 mars.
Ce score sera l'acte de décès d'un cycle politique. Une société politique impuissante, perçue comme trop corrompue et surtout irresponsable, avec un débat politique stérile parce qu'en état de quasi-guerre civile permanente, une société laminée par le chômage, une économie déclassée, une classe politique déconsidérée ... : bref un champ de ruines.
Autant de crises connues, reconnues mais jamais traitées d'ultimes avertissements en ultimes avertissements. Des avertissements vains au point de pousser à la colère extrême.
Cette faiblesse de la classe politique est indissociable de son refus de la vérité, de la fausseté de son jugement comme de ses paroles sans acte.
Tout est réuni à ce jour pour que la France connaisse un séisme politique d'une ampleur considérable. Le 22 (mars) va succéder au 21 (avril) mais la secousse s'annonce d'une portée inédite.