NationBuilder et la bataille des bases de données
La bataille des bases de données a connu deux étapes dans sa consécration. La première étape, c'est la campagne pour la ré-élection d’Arnold Schwarzenegger à la fonction de Gouverneur de Californie, il importe d’avoir quelques chiffres en tête :
- novembre 2005 : le Gouverneur était donné battu de 6 points par son concurrent démocrate,
- Février 2006 : il passe à égalité avec son concurrent démocrate,
- Avril 2006 : le Gouverneur sortant passe en tête : + 4 points,
- Mai 2006 : avance portée à + 7 points,
- Juillet 2006 : avance portée à + 8 points,
- Septembre 2006 : l’avance passe à 10 points.
En novembre, la victoire est très large.
Que cache ce retournement ?
Certes, des modifications majeures quant au fond de la politique mise en œuvre :
- mesures contre la crise énergétique,
- mesures contre la crise climatique,
- financement de la recherche sur les cellules-souches,
- démarquage total et ostentatoires par rapport à la politique mise en œuvre par le Président Bush.
Mais il faut compter aussi avec la probable plus grosses base de données jamais mise en œuvre pour une élection locale.
Cette base de données à deux originalités :
- la quantité de données serait sans précédent dans l’histoire politique des Etats-Unis,
- mais surtout, c’est une base de données commerciales donnant lieu à des traductions politiques.
A partir des habitudes d’achats, l’équipe du Gouverneur Schwarzenegger a établi une grille de lecture politique.
Par exemple, un conducteur de camionnette possédant un permis de chasse et abonné à un magazine « chasse-pêche » est un conservateur potentiel alors que celui qui est un abonné du « New Yorker » faisant ses courses dans un magasin de produits naturels est supposé voter démocrate.
Cette logique est la première opération croisant deux données :
- une base brute de données privées à caractère commercial,
- le profilage politique en raison des caractéristiques de consommation.
Cette approche est le fruit d’un long travail conduit par une équipe importante sous la direction de Steve Schmidt, directeur de campagne, et Josh Ginsberg, directeur politique.
Aux Etats-Unis, l’acquisition de ces données est parfaitement légale. Ces données sont d’autant plus nombreuses que presque chaque segment de marché fiche ses clients : commerces de détail, compagnies aériennes, sociétés de crédit, magazines…
C’est la première fois qu’un maillage aussi étroit intervient pour une campagne politique. Mais c’est aussi la première fois qu’une telle action individualisée peut intervenir. Chaque message s’adresse à la bonne cible pour lui parler de ses priorités quotidiennes.
Avec de tels moyens, un micro-ciblage sans précédent peut être opéré.
Les fruits ont porté. En douze mois, le score du Gouverneur Schwarzenegger est passe de -5 à + 16 points d’avance face à son concurrent Démocrate Angelides qui dénonce « la manipulation des gens ».
La seconde étape est lors de la présidentielle 2012. Barack Obama met en place l'opération Narwhal tandis que Mitt Romney met en place l'opération Orca. Là encore, deux bases de données destinée à agréger le maximum d'informations pour adresser le bon message aux bonnes cibles.
Dans la dernière semaine avant le vote, Orca a des problèmes tandis que Narwhal fonctionne à merveille. Certains verront dans ce décalage l'explication principale de l'écart entre Obama et Romney.
Les Républicains viendraient de confier à NationBuilder la mission de réaliser une base de données. Cette logique du micro-ciblage fait donc son entrée en France. C'est un volet qui peut s'avérer décisif dans les prochaines campagnes.