François Fillon et la bataille du libéralisme
François Fillon ne peut espérer un sursaut qu'en portant une vraie rupture. Il ne s'agit plus tant d'assumer une gestion passée dont il est voué à partager l'actif et le passif avec Nicolas Sarkozy que de s'appuyer sur cette gestion passée pour montrer qu'il faut "faire autre chose".
C'est son seul espace de valeur ajoutée personnelle.
Et c'est vrai qu'en France, le libéralisme, c'est un "territoire neuf".
Dans la France de «grand papa», le libre jeu capitalistique était communément baptisé de «capitalisme sauvage».
Cette qualification dénotait une conception selon laquelle la liberté du marché permettait aux plus forts d’éliminer ou de contraindre abusivement les plus faibles. Elle servait aussi de base à toute une partie du discours traditionnel selon laquelle «la liberté opprime et la règle libère».
Tous ces termes et ces raisonnements traduisaient une réelle méfiance culturelle à l’égard du capitalisme voire même une certaine répulsion morale.
Dans les années 70, les graffitis vengeurs annonçaient pas moins que «merde au bonheur» ou encore qu’on «ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance».
Le libéralisme a mis 30 ans pour sortir de ces clichés.
Les efforts de 30 ans ont été réduits à néant par un trimestre de révélations qui ont constitué autant d’étapes dans des scandales permanents lors du dernier trimestre 2008.
La crise financière est passée par là. Elle donné naissance à une crise économique qui généralise une précarité et des formes nouvelles d’exclusions dans des conditions collectivement intolérables.
En réalité, le corps social Français est en cours d’implosion.
Il était constitué de 4 groupes :
- le sommet de la société dont la référence est devenue l’argent et non plus le pouvoir public,
- un grand corps central de plus en plus précarisé qui a le sentiment que l’accès au sommet lui est impossible alors que la chute le guette à chaque instant,
-une couche populaire composée des ouvriers de l’industrie, des services où chaque jour s’épelle économie sur chaque poste de consommation,
- les «exclus» c'est-à-dire ceux qui ne peuvent pas, faute de ressource, participer à la société de consommation et même qui tout simplement ne peuvent plus vivre « normalement ».
Avec l’actuelle implosion, le corps central s’appauvrit tandis que le corps populaire s’estime exclu.
Une nouvelle pauvreté frappe des personnes qui n’avaient pas l’habitude d’être pauvres. Les secours publics ne suffisent plus. Les organisations privées charitables sont dépassées. Ce nombre augmente dans des proportions considérables.
Ce constat met en cause l’ensemble du modèle social français.
Traditionnellement «assimilationniste» sur le plan éthnique ou culturel, le modèle Français donne un visage d’échecs bien au-delà des seules différences déjà graves de races ou de cultures.
Ces échecs sont encore moins supportables que la société de consommation expose de façon ostentatoire les repères ou les coutumes du « sommet de la société » qui ne compte pas et, dans notre pays qui vit quotidiennement de comparaisons, cette confrontation est alors explosive.
Pour les uns, l’avenir est ainsi synonyme de «toujours plus» tandis que pour les autres ce n’est même plus «peut-être».
Le bonheur faisait jadis partie intégrante des droits acquis à la naissance. Cela signifiait que la société offrirait des possibilités toujours plus nombreuses de vivre heureux.
Ce scénario a été jeté au panier.
Le nouveau scénario fait d’exclusion et de précarité s’éloigne excessivement de ce repère traditionnel. Il nous conduit au désastre. Nous devons mobiliser toutes nos énergies pour changer de perspective. C’est un devoir humain individuel et moral sur le plan collectif. C'est l'enjeu du libéralisme en France :
- incarner de vraies ruptures,
- que ces ruptures soient perçues comme la relance du progrès populaire notamment matériel,
- que ces ruptures marquent le vrai départ de la France pour le nouveau siècle.
C'est un réel espace politique qui de surcroît ouvrirait à François Fillon une mutation pour son positionnement personnel : apparaître conquérant, dynamique et optimiste.
L'un des rendez-vous majeurs de la rentrée politique 2015.