Alain Juppé peut-il inverser les tendances classiques de primaires ?
Le sort d'Alain Juppé dans la primaire des Républicains est particulièrement intéressant à suivre puisqu'il lui est demandé d'inverser quatre tendances traditionnelles de primaires :
1) En France, la course présidentielle est toujours gagnée par les chefs de partis face aux leaders de l'opinion. Alain Juppé est leader dans l'opinion mais pas chef de parti. S'il conjure cette première tendance, ce sera la preuve de la faiblesse des partis et que la France est entrée définitivement dans une démocratie d'opinion. Ce sera un message très fort pour l'avenir.
2) D'ordinaire, qui gagne la primaire est celui qui mobilise les plus militants et souvent les plus radicaux. Pour une raison très simple : les militants les plus radicaux sont ceux qui se déplacent pour voter. Or la popularité d'Alain Juppé réside chez des modérés. C'est d'ailleurs l'un des paradoxes ouverts de la primaire 2016 : parier sur des non militants pour faire gagner le représentant d'un parti éventuellement "contre" le choix des militants de ce parti. C'est là aussi en cas de succès un message lourd de conséquences pour le devenir des partis politiques.
3) D'ordinaire, la primaire donne une prime au neuf. Royal en a bénéficié en 2007 face à Fabius. Hollande en a bénéficié en 2012 face à Aubry. En dehors de la 1ère place, la place au neuf assure des poussées initialement peu probables : cf les 17 % de Montebourg en 2012. Par son parcours, Alain Juppé aura des difficultés à occuper ce créneau du neuf.
4) Le vainqueur dans les sondages à 12 mois du vote n'est jamais le gagnant le jour du vote. Pourquoi ? Parce qu'il focalise les attaques, les investigations ... A un moment, une usure en résulte et un décrochage dans les sondages.
Pour ces quatre raisons techniques, la victoire d'Alain Juppé marquerait une réelle nouvelle donne technique traduisant d'abord un pas de plus dans la fragilisation des instances politiques classiques et sur ce volet là il est vrai que rarement ces instances ont déjà été aussi fragiles ; d'où l'ouverture pour l'inversion de tendances habituelles.