Grenoble : la rupture consommée entre la Mairie et le Centre Ville ?
La dernière réunion organisée par la Chambre de Commerce et d'Industrie a été marquée par des déclarations inédites de conflits entre Eric Piolle et les commerçants du centre ville.
Où est l'originalité de cette situation ? Eric Piolle assume ouvertement des options politiques de rupture. C'est un débat ancien dans l'exercice d'un mandat de maire d'une Commune moyenne : consensus ou disruption ?
Ce qui est politiquement très intéressant dans la période présente, c’est que depuis 1977 pour la première fois Grenoble et l’agglomération grenobloise tournent le dos à la logique de l’idéopôle. C’est un tournant majeur.
L’idéopôle est un terme qui a été très théorisé par la Fondation Jean Jaurès de villes ouvertes à la mondialisation avec des maires de gauche qui ont incarné avant Valls et Macron la social-démocratie locale. Paris, Strasbourg, Lyon, Lille, Nantes, Toulouse et … Grenoble notamment étaient les villes repères des idéopôles. Un sujet que les étudiants en sciences politiques connaissent bien dans la matière d’aménagement des territoires.
Un concept un peu “fumeux” dans son expression mais qui cachait une vraie réalité : des maires technotables qui font oublier leurs engagements PS pour construire le territoire local avec tous les acteurs dont ceux de l’économie. Pourquoi ? Parce qu’ils intègrent les exigences de la mondialisation et veulent privilégier l’attractivité des villes en question.
Dubedout, Carignon, Destot ont été localement dans cette culture. Difficile d’identifier leur gestion locale à de grands débats nationaux clivants.
C’est la rupture inattendue portée par l’actuel pouvoir politique de gauche. Pendant les municipales, Eric Piolle revendiquait être un héritier d’Hubert Dubedout évoquant même dans ses tracts le partage du même lycée à ... Pau.
Puis progressivement depuis 2014, l’agglomération grenobloise est devenue celle des maires militants et non plus des technotables. C’est le cas à droite à deux ou trois exceptions près. Les élus locaux ont été très engagés dans les élections internes des Républicains 38 avec d’ailleurs des résultats très mitigés. C’est encore davantage le cas à gauche. C’est tout particulièrement le tournant essentiel de la première mandature d’Eric Piolle. L’annonce de la “ville en faillite”, puis le choix de positions très militantes comme sur la zone 30, les autoroutes à vélos, la vidéo-protection, la chute des effectifs de police municipale, … la déchéance de nationalité … ont tourné la page de l’idéopôle. Grenoble est une ville militante en rupture avec les contingences classiques habituelles de l’attractivité.
C’est un choix très lourd de conséquences en perspective de 2020. Les maires militants nationalisent l’enjeu. C’est à l’opposé des gestions locales traditionnelles où les maires sortants dénationalisaient l’enjeu pour faire vivre un consensus local dépassant largement les frontières des clivages nationaux. C’est la réelle nouvelle donne locale depuis mars 2014. Très intéressante à suivre.