Donald Trump et le défi de fond lancé aux médias
Le bras de fer engagé entre Donald Trump et les médias est un réel défi lancé aux médias. Des différences profondes existent historiquement entre les médias français et les médias américains.
Ces derniers ont une tradition bien plus globale d’indépendance. La diversité des supports est plus grande aux Etats Unis qu’en France. Mais surtout, les médias américains se veulent plus attachés aux faits que les médias français. La vérité des faits est ce qui compte le plus. D’où l’investigation auprès des témoins, des acteurs afin de défendre le droit de savoir qui est reconnu au public. Les attaquer sur la base d'accusations de "fake news" c'est s'attaquer au socle même des médias.
Le « média d’opinion » a longtemps été considéré comme une hérésie au pays des résultats financiers. Les règles étaient simples :
- les médias à forte audience font partie d’un groupe chargé surtout de rapporter des dividendes aux actionnaires,
- pour cela, il faut attirer beaucoup de publicités,
- pour réussir, il importe d’attirer le lecteur en lui parlant d’abord des sujets qui concernent le commun des mortels : sports, crimes, faits et gestes des personnalités locales, extravagances des vedettes du cinéma principalement.
Dans ce contexte, les informations politiques occupent une place mineure parce qu’elles intéressent modérément les lecteurs. Telles étaient les règles d’or du côté des médias américains.
Quant à leurs partenaires privilégiés, les annonceurs, les repères étaient simples : la publicité doit être un investissement rentabilisé par l’accroissement des ventes.
Dans ce contexte général, il y avait aussi un autre facteur d’équilibre d’ailleurs peu souvent évoqué. Si les actionnaires étaient souvent du camp républicain, les journalistes étaient souvent du camp démocrate. Chacun se « supporte » en ne provoquant pas l’autre.
Avec le 11 septembre 2001, ce paysage a beaucoup changé. La lutte contre le terrorisme, devenue la grande cause nationale, a considérablement modifié l’esprit d’investigation de la presse dans certains domaines de l’action publique fédérale. Alors que les médias sont toujours friands d’excitation, voire d’exagération qui font vendre les produits et attirent la clientèle ; à cette époque, ils se sont astreints à un sens nouveau des responsabilités.
Dans un premier temps, dans des circonstances exceptionnelles, pouvoir fédéral et médias ont reconnu un « devoir d’interaction » qui se serait dissocié de la manipulation et de la conspiration. La manipulation serait l’information reconnue comme instrumentalisée par le pouvoir fédéral. La conspiration serait l’information qui ne reconnaissait pas la spécificité et la gravité des contraintes d’un pouvoir en guerre contre le terrorisme.
Cette notion d’interaction était censée résumer le point d’équilibre de deux pouvoirs responsabilisés par un respect mutuel et surtout le respect d’une nation fragile.
Mais voilà, il ressort progressivement que dans ce pays qui a un besoin permanent de « nouvelles », ce point d’équilibre aurait exagérément limité les pouvoirs des médias et leur obligation de ne pas passer sous silence ce qui est dangereux pour la démocratie américaine. Les révélations auraient été largement insuffisantes. Les médias traditionnels sont ainsi devenus les victimes d’un grand contournement par la communication en ligne. Une nouvelle information est née faite de proximité affichée mais surtout d’infiltration, de révélations permanentes et du rejet généralisé d’un « politiquement correct » qui discréditerait les supports traditionnels dont la connivence aurait été révélée lors de la guerre d’Irak. Ce climat a placé les médias américains traditionnels dans une véritable tourmente au pays où ils ont été reconnus les premiers comme le quatrième pouvoir. Et cette tourmente est apparue dès 2006. Depuis cette date, la blogosphère américaine a donné le tournis aux médias classiques. Ces derniers ont dû réviser leurs méthodes et investir en masse cette blogosphère pour l’intégrer car il leur devient difficile de lutter de face.
Progressivement, ce retour aux sources dans cette compétition entre médias traditionnels et blogosphère a été conduite au détriment des premiers. Avec l'offensive Trump, ils doivent regagner leur crédibilité sur les faits. Sinon leur chute face à la blogosphère va s'amplifier dans des conditions de grande gravité pour l'équilibre des différents pouvoirs.