Grenoble : Eric Piolle et le défi de la seconde campagne
La campagne municipale de Grenoble sera probablement l'une des plus suivies par les médias nationaux. Essentiellement pour deux raisons : d'une part, c'est la seule ville de plus de 100 000 habitants avec un maire sortant EELV et d'autre part avec le retour d'un ancien maire, Alain Carignon.
Traditionnellement, la première campagne après une élection est la plus facile. Il est possible de faire appel au faible temps écoulé (6 ans) pour tenter de justifier d'un bilan pas totalement achevé. C'est très différent après 12 ans de mandat où l'opinion est plus perplexe : pourquoi proposer pour demain ce qui n'a pas déjà été effectué hier pendant 12 ans ?
En 2014, la victoire d'Eric Piolle a été remarquablement construite. Lors des législatives de 2012, il a effectué un "tour de piste". Mais surtout son offre en 2014 a été bâtie sur le thème du techno-écolo. Techno d'abord, car le plan de campagne alors construit par un communicant (Erwan Lecoeur) reposait sur une logique centrale : partir du socle classique des écologistes pour aller surtout sur les terres de la société civile. D'où la présentation d'Eric Piolle d'abord comme venant de la société civile (HP) avec un "réseau citoyen" en réalité composé de militants écologistes classiques mais qui restaient très discrets tout en activant leurs réseaux militants efficaces dans cette ville. Tout était ainsi fait pour crédibiliser l'offre sérieuse (plan de campagne de novembre 2013 disponible sur slideshare). Et dans le look, la rupture était visuellement marquée par deux messages clefs : la chemise blanche sans cravate (cadre mais cool et pas psycho rigide) et surtout le vélo. L'image du vélo a joué un rôle considérable pour construire un style proche face au PS sortant, "parti bourgeois" des ... voitures de fonction.
Le candidat était neuf face à d'autres candidats manifestement moins préparés. Le PS a effectué un lancement de Jérôme Safar trop tardif. Et l'intéressé a trop occupé le créneau du dauphin scotché au bilan du maire sortant, Michel Destot. La droite classique était empêtrée dans des arbitrages internes compliqués. Bref, d'un coup, la nouveauté avait trouvé son visage et son candidat.
Mais depuis cette date, des évolutions profondes sont intervenues. Et lors de son annonce de campagne pour 2020, Eric Piolle a mis en évidence des symboles visuels qui montrent combien une seconde campagne peut être délicate : comment innover sans rompre avec l'image acquise ?
Le T-shirt noir permet certes de bien mettre en relief les mentions sur le T-shirt mais la couleur noire reste d'abord le symbole du ... deuil. Et en plus sur ce T-shirt, des figures certes emblématiques mais ... décédées. Parmi ces visages celui de Simone Veil qui, depuis la campagne partagée de 1984 aux européennes, avait pour chouchou son ... concurrent direct Alain Carignon.
Et comme message principal dans le quotidien régional : s'inquiéter de l'état de la ... droite locale. C'est à dire une approche totalement politicienne bien loin de ... l'environnement.
On est donc presque à l'opposé des fondamentaux de ... 2014. Que montre cette réalité technique ? 1) C'est très difficile de faire 2 fois de suite des belles campagnes novatrices. 2) C'est encore plus difficile avec le poids de la gestion qui prend du temps et qui limite l'espace de la conception purement créative. 3) Le véritable défi pour Eric Piolle c'est d'expliquer aux Grenoblois que l'offre de 2014, celle d'une écologie moderne, a bien été l'actif de son bilan. Or l'écologie mise en oeuvre est apparue laxiste face à une délinquance dévorante, difficile à cerner quand un PLUi agresse les espaces naturels péri-urbains, parle des lieux urbains végétalisés comme des "dents creuses", et est souvent très militante face à des poussées de ses alliés mélenchonistes très dogmatiques. Si aujourd'hui un sondage d'image de marque spontanée était effectué, il n'est pas sûr que le mot "techno" reste accolé au nom du maire sortant. C'est probablement l'un de ses plus gros risques sur le chemin de mars 2020.