Laurent Wauquiez ou Bruno Retailleau : le désalignement de la présidentielle 2022 ?
La présidentielle 2022 suivra-t-elle la logique de la présidentielle américaine 2016 ? La personnalité et le style de Donald Trump ont beaucoup altéré les analyses sur la présidentielle 2016. Elle fut une campagne communautarisée sur des bases nouvelles.
Une nation, donc un corps électoral, c'est d'abord une démographie. Ou plus précisément des démographies. Les Etats-Unis, terre historique d'accueil par excellence, en constituent un exemple fort. La victoire de JFK en 1960 fut une victoire de l'immigration récente accordant une place nouvelle aux catholiques. En 2016, la victoire de Trump, c'est d'abord la victoire de l'Amérique blanche qui résiste aux nouvelles vagues récentes d'immigration : Afro-américains, Hispanos, Latinos. D'où la force symbolique à cette époque du "mur".
Au-delà des chiffres globaux, les résultats segmentés mettent en relief des fossés significatifs.
La campagne de Joe Biden - Kamala Harris a été dans cette logique : principalement attirer les communautés des nouvelles vagues récentes d'immigration. Cette logique a radicalisé la campagne 2020 puisqu'elle fut un choc de communautés distinctes.
Le déclic a été double : 1) le choc du Texas en 2018 avec la campagne de Beto O'Rourke. Un bastion Républicain devenait gagnable à la condition d'assumer une campagne communautarisée. Seule une campagne de ce type assure la mobilisation de ces communautés.
Persuadé de gagner ses fiefs classiques des "rivages", le Parti Démocrate choisissait un autre alignement. Ce d'autant plus que 2) cette logique apaisait une nouvelle génération Démocrate à l'exemple de la vedette emblématique AOC qui accepte un tel choc, le revendique même parce qu'il constitue leurs parcours personnels.
C'est le moment où le nationalisme à connotation traditionnellement économique porte alors également en lui des valeurs culturelles fortes.
Ce sera d'ailleurs le défi n°1 de Biden dans les prochaines années. Restera-t-il dans une logique de ce type ou changera-t-il de positionnement ?
Pourquoi la France échapperait-elle à cette évolution ? Pas de raison notoire. Bien davantage, la poussée de "l'insécurité" accélère une telle logique.
Si c'est le cas, trois conséquences pratiques en résultent.
1) C'est la fin d'un "en même temps" comme rhétorique du discours politique. La logique devient exclusive et non plus inclusive. Par conséquent, c'est une quasi condamnation d'une logique de pole central dans l'esprit de la présidentielle 2017.
2) C'est une campagne d'une violence inédite puisque cette logique accepte les oppositions, les fait vivre et s'alimente de chocs frontaux.
3) Si ce choix culturel s'installe, deux leaders de droite peuvent désaligner une présidentielle française : Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau parce qu'ils ont le tempérament qui correspond à ce storytelling.
C'est même ce comportement qui les a marginalisés par le passé. C'est aussi probablement une radicalisation du discours de droite qui, accompagné d'une nouvelle génération politique, peut reléguer le RN à des scores de troisième position donc l'écartant d'un second tour. Pour partie, François Fillon avait déjà bénéficié de ce socle dans la primaire de la droite à l'automne 2016 même si, à l'époque, l'endossement de cette logique était plus tacite.