Michel Rocard met en cause Ségolène Royal et les primaires à la Française
Michel Rocard évoque avec une totale "innocence" la proposition de retrait de Ségolène Royal en pleine présidentielle alors même qu'elle avait été désignée par les militants ; ce qui en dit long de la considération accordée aux primaires par une génération de responsables politiques.
Aux Etats Unis d'Amérique, les élections reflètent généralement le culte du neuf. L'électorat entend rompre avec le passé pour tendre vers le meilleur.
Dans ce cadre, le mot " nouveau " est l'un des mots magiques de toute campagne électorale. Roosevelt lança le " new deal ". Kennedy annonça la " nouvelle frontière ". Johnson fit la promotion de la " nouvelle société " pour tourner la page des années Kennedy. Reagan engagea le " nouveau départ " pour rompre avec la faiblesse de Jimmy Carter?
Enfin GW Bush a surfé sur le " nouveau patriotisme " pour renouer avec les années Reagan et dénoncer les années Clinton d'une Amérique empêtrée dans des scandales peu honorables.
Ce cadre est donc favorable à l'émergence de nouvelles candidatures.
Mais elles sont tellement nombreuses que tout l'enjeu d'une primaire consiste à construire son pouvoir d'évocation parmi une multitude de candidats. Ainsi, pour s'en tenir à la dernière campagne de 2004, le Parti Démocrate a compté au départ des primaires pas moins de 72 candidats à l'investiture.
Jusqu'à ces dernières années, la culture politique française était à l'opposé de ces deux repères.
Pour une élection majeure, parce que les électeurs français étaient toujours dans la culture de " l'homme providentiel ", la nouveauté faisait peur. La nouveauté c'était l'inconnu. L'expérience constituait donc un filtre incontournable.
L'expérience, c'était l'apprentissage des règles. Les primaires n'existaient pas. C'était le temps et non pas les électeurs qui filtrait les candidatures à l'élection où la France ne devient qu'une seule et unique circonscription.
Au niveau des élections législatives, il en est de même dans chaque circonscription. Que traduit cette nouvelle réalité ?
C'est la fin d'une organisation autoritaire et centralisée du système politique français. La crise a entraîné la faillite d'une forme d'élitisme qui voulait que les plus capables soient toujours en haut de l'échelle et qu'ils puissent ainsi " guider " ceux d'en bas dans la direction souhaitée. Cet état d'esprit là est révolu. Cette conception un peu mystique est terminée. Ce " modèle " reposait sur une forme de méritocratie supposant que les plus doués sur le plan intellectuel soient les plus capables d'exercer le pouvoir. Non seulement, il n'y a plus d'élite reconnue et acceptée mais encore l'appartenance aux " cercles parisiens " est en passe de devenir une " tâche " à l'exemple de la seule mention de Washington dans la vie politique américaine.
Second trait important, c'est l'érosion de la conception des " hommes providentiels ". Ce paternalisme institutionnel est le creuset de la Vème République. La centralisation du pouvoir donnait une impression de puissance que dégageait une logique de concentration de tous les pouvoirs vers le sommet d'où la nécessité d'une sélection rigoureuse.
La terminologie employée portait en permanence cette conception. L'Elysée est qualifiée " le Château ". Il est souvent question de " règne " ou le commentaire permanent selon lequel " le pouvoir a décidé ". Lorsqu'il y a des contestations, il est fait état que " les syndicats s'opposent au pouvoir ".
Avec la décentralisation, puis la cohabitation, ensuite une logique présidentielle réduite au " ministère de la parole " sans suite concrète immédiate ; cette logique historique est supposée avoir pris fin avec les primaires de la présidentielle 2007.
C'est probablement faux.
D'abord, les primaires à la Française reposent sur un nombre faible de militants. La représentativité de l'échantillon est contestable donc contesté.
Ensuite, en dehors de la présidentielle, cette base diminue pour se restreindre à quelques centaines de personnes . Donc la course aux cartes domine et fausse le choix.
Enfin, c'est une culture de "pouvoir éclaté" qui n'es tpas dans la logique Française.
La réflexion de Michel Rocard, pourtant ardent défenseur traditionnel de la démocratie de base, en dit long sur la remise en question des primaires. Elles risquent d'être à la vie politique Française la mode d'un printemps comme d'ailleurs peut-être la question de la place des femmes dans la politique. Ce sont les effets collatéraux de la défaite de S. Royal ou la défaite de S. Royal est-elle compréhensible à la lecture de la fragilité de ses "piliers" ?