Stephen Breyer et la crise du Droit en France

La France est confrontée à une crise généralisée du Droit. Les raisons sont multiples. Des sous-effectifs de services de légalité en Préfectures aux moyens humains et matériels insuffisants dans l'institution judiciaire mais également avec le profil des nominations au Conseil Constitutionnel ... : tout est réuni pour le Droit soit en crise.

Aux Etats-Unis, cette semaine, Stephen Breyer a annoncé son retrait de la Cour Suprême où il aura siégé près de 30 ans. Son parcours est celui d'un juriste. Sa nomination a été un long processus demandant des majorités qualifiées. Ses interventions font référence lors de conférences techniques. Bref, il a qualité pour être reconnu à sa place. Il a ses options personnelles en défendant une cause du Droit qui doit accompagner les évolutions de la société et non pas les brider. Mais en permanence la référence à la Constitution est sa valeur fondamentale.

En France, où est le parcours de juriste de certains membres ? Où est la majorité qualifiée pour les désigner ? Quand leurs travaux ont-ils fait référence sur des volets jurisprudentiels ? C'est la nomination qui incarne à la caricature le pouvoir discrétionnaire. Comment s'étonner après que l'instance dite suprême soit l'objet d'attaques vives lors de certaines de ses décisions ? Elle n'a pas tous les atouts d'une institution à l'autorité morale imposable. C'est très préjudiciable qu'il en soit ainsi.



A 70 jours du 1er tour de la présidentielle est la traduction d'une campagne présidentielle en pleine crise de régime : jusqu'à quand des faits d'une extrême gravité peuvent-ils devenir ordinaires dans l'indifférence quasi-absolue ? Hier, à Grenoble, un Premier Ministre est conspué, insulté, injurié. Jeudi soir, des candidats officiels sont dans l'incapacité de débattre dans la sérénité. Eric Zemmour aurait dû quitter le plateau face aux insultes de JL Mélenchon. Comme le policier de la BAC aurait dû quitter le plateau pour montrer que tout dialogue avec un JL Mélenchon aussi haineux, violent, extrémiste était impossible. Et la liste des exemples pourrait durer longtemps. La crise est partout en politique. S'agit-il de crises dans la V ème République ou d'une crise de la V ème République ? C'est une crise de régime qui vit sous nos yeux et non pas une crise dans le régime. Michel Debré avait dit “la Constitution de 1958 c'est la démocratie dans l'action”. Aujourd'hui, la Constitution n'est plus la garantie de la démocratie et encore moins de l'action. La présidentialisation du régime est poussée à l'absolu : tous les pouvoirs semblent dans les mains d'un homme avec un abaissement considérable du Parlement. Et la faiblesse de l'Etat face aux pouvoirs locaux démultipliés est aussi poussée à l'absolu. Et une fois de plus, comme lors des trois dernières élections locales, la classe politique (élus - candidats - médias) ne fonctionne pas pour revitaliser la démocratie, pour ré-intégrer des électeurs mais pour sauver des places : gagner à n'importe quel prix, fut-ce au prix d'une abstention massive donc d'un rejet civique.

Avec un tel état d'esprit, la désintégration des institutions est inéluctable. Il ne s'agit plus d'orages mais d'une tempête.

  • Publié le 30 janvier 2022

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