François Fillon oublie la dynamique du changement
François Fillon entre en zone de décrochage dans les sondages et ce dans le cadre d'un calendrier assez accéléré. Il semble avoir oublié les leçons de la dynamique du changement une fois installé à Matignon.
Le citoyen d'aujourd'hui est toujours sur ses gardes. Il ne dort plus sur ses deux oreilles. Pire, il n'a plus d'oeillères. Il ne veut plus de responsables qui captent tout et se présentent comme des irremplaçables. Il veut des responsables compétents qui évoluent dans un climat permanent de fidélités renouvelées et jamais acquises par avance.
Ces dernières années, une nouvelle attente de gouvernance publique est née.
Cette attente repose sur 5 modifications :
1) le refus de la conscience de classe. Certes les classes existent si l'on se réfère aux niveaux de revenus ou à la hiérarchie des occupations. Mais les rapports entre les individus sont fondés sur la notion d?égalité en tant que conscience de la propre identité de chacun. Les médias "people" baignent en ce moment dans ce climat avec les rapprochements au-delà des barrières.
2) Les élites ne peuvent se justifier que par l'existence de leurs résultats. Sans résultat, il n'y a plus d'élite. Ou plutôt, en l'absence de résultat, il faut changer d'élite. Cette notion de changement est la seule façon de faire émerger une forme de responsabilité appliquée aux élites afin qu'elles ne soient plus une caste d'intouchables.
3) La politique n'est plus marquée par l'idéologie. L'idéologie c'est l'expression de la société de classes qui est rejetée.
4) Avec la décentralisation et la désacralisation de l'Etat, il n'y a plus de "sens de l'Etat" comme formateur et garant de l'intérêt national donc supérieur par essence aux intérêts particuliers. L'Etat ne doit plus être l'armature de la société mais le serviteur de la société. C'est une collection de services publics et non plus une mystique.
5) Le pouvoir politique peut certes donner un coup de pouce pour l'accélération d'une avancée collective mais cette avancée sera d'abord le produit de la dynamique sociologique. La société a pris le pouvoir. Elle attend du politique qu'il ne soit plus un frein aux vitalités portées par la société. Le pouvoir doit être un facilitateur et non plus un guide providentiel.
Cette culture ne remet pas fondamentalement en cause le système. Elle demande au système des adaptations majeures pour :
*devenir pilote du changement,
*manifester certes une volonté mais surtout une capacité à écouter, à libérer les possibilités, à fonctionner en acteur parmi d?autres d'un changement contrôlé, voulu, pragmatique.
Cette culture a fait naître des " nouvelles frontières " :
* le refus des leurres. Les démarches idéologiques faites de matrices ne correspondent plus à cette démarche.
* Le discrédit des responsables dont le bilan a été défaillant. Il n'y a plus d'expert en dehors de celui qui a prouvé par les actes et par les résultats.
* Ce qui n'est pas utile est absent du débat.
Nous avons ainsi assisté à l'émergence d'une nouvelle citoyenneté : le citoyen rationnel.
A la différence du citoyen militant qui était a priori acquis ou hostile, le citoyen rationnel ne peut être touché que par une communication persuasive basée sur :
* l'identification claire de ses besoins,
* l'énoncé de propositions précises,
* la présentation de la différenciation avec les propositions des concurrents car l'univers de ce citoyen est fait de comparaisons permanentes.
C'est un nouveau "rapport de séduction" entre le candidat et le citoyen qui prend naissance.
Ce nouveau rapport de séduction était le socle de la popularité de Sarkozy sous Chirac. Il s'effrite dangereusement depuis quelques semaines.