Martine Aubry annonce le retour en grâce de la social-démocratie
Martine Aubry revient en forme et en force. Son discours annonce le retour en grâce de la social-démocratie. L'opinion a besoin de protection, d'harmonie et de solidarité. C'est un changement culturel majeur par rapport à l'ambiance de 2007 faite d'énergie, de sécurité et de mouvement.
La vie politique française va mal. Elle retourne à ses vieux démons. Le taux d'abstention a retrouvé des niveaux très élevés.
La difficulté résulte du fait que les nouveaux clivages ne recouvrent pas les frontières de l'ancienne organisation de nos forces politiques.
La vie politique ne recouvre plus les grands repères de la réalité sociologique. Le vote du 29 mai 2005 à l'occasion du référendum sur le traité européen avait été le 1er scrutin à consacrer aussi manifestement l'émergence de cette évolution.
Parce qu'elle ne correspond pas aux repères anciens, cette évolution fait imploser les composantes politiques traditionnelles au sein desquelles cohabitent désormais des tenants de lectures trop éclatées de l'avenir.
De ce décalage entre la France politique et la France sociologique naît la paralysie de notre pays face à la modernité. Les scrutins sont construits sur une " parole d'élection " qui ne peut pas être le socle d'actions car elle n'a pas d'ancrage sociologique majoritaire réel. Chaque coalition politique continue sur la lancée de son histoire, avance avec les à-coups d'intérêts à court terme de son leader. Mais, en aucun cas, elle n'a eu le courage de regarder en face cette nouvelle réalité. La prochaine élection présidentielle marquera un nouveau rendez-vous avec cet enjeu.
Dans son entretien au Nouvel Observateur le 18 août 2005, Michel Rocard a eu, une fois de plus, l'honnêteté d'exprimer des réalités lourdes de sens.
Ainsi déclarait-t-il avant le Congrès du Parti Socialiste :" Il faut jeter à la poubelle ce patois marxiste qui fait écran à la réalité. Nous ne disons pas qui nous sommes : des sociaux démocrates européens. Nous sommes du coup incapables de construire une perspective. "
" Quand je lis les tenants du non à la Constitution européenne, je me rends compte à quel point des gens comme moi sont un boulet pour eux. Ils croient au retour de la politique nationale. Je pense exactement le contraire. Au fond, nous devenons de jour en jour insupportables les uns aux autres. Nous nous paralysons mutuellement. Nous devons nous libérer. "
" Comment peut-on être intelligent, participer à des cercles universitaires et créer Attac, ce monument de bêtise économique et politique ? Cela me sidère et me navre. "
Voilà une déclaration qui a eu le mérite d'être claire.
Michel Rocard a eu l'honnêteté de dire tout haut ce que chacun pensait tout bas. Il rappellait surtout que le conservatisme pour gagner une élection conduit parfois à des alliances tellement artificielles qu'il rend impossible ensuite une gestion efficace.
Une élection doit d'abord être le rendez-vous entre un projet clair reposant sur une vision partagée de l'avenir et l'expression d'une majorité électorale.
Ce ne doit pas être un " mille feuille " de couches électorales visant uniquement à s'ajouter les unes aux autres pour franchir la barre fatidique des 50%.
Le courant social-démocrate en France s'est affirmé lors de plusieurs élections locales symboliques.
Le PCF a connu une étape nouvelle et supplémentaire dans son érosion.
Culturellement, la formule "vivre ensemble" a été le drapeau de très nombreuses listes qui ont remis à la mode les valeurs de la social-démocratie face à une "énergie libérale" désormais impopulaire.
C'est peut-être un tournant culturel majeur pour la préparation des prochains scrutins nationaux.
L'intervention télévisée hier soir sur Canal + de Martine Aubry en disait long sur cette évolution des mentalités pour celle qui hier se vivait marginalisée par la polémique des 35 heures.