Nicolas Sarkozy face à des ruptures insurmontables
Nicolas Sarkozy est souvent présenté comme ayant perdu la première année de son installation. Et si cette 1ère année n'était pas gagnable en raison de ruptures bien plus profondes qu'un évènementiel débordant sur le plan privé ?
L'élection de Nicolas Sarkozy a marqué plusieurs réelles fractures. Il en a été bénéficiaire pendant la campagne présidentielle tant il a été capable de surfer sur cette nouvelle vie publique alors en gestation. Aujourd'hui, il en est victime.
Ces ruptures sont au nombre de 5.
La première rupture concerne la crise d'autorité. L'autorité a déserté les Institutions. Comme candidat, il représentait une nouvelle forme d'autorité. Comme Président, il a été pris au piège. Dès qu'il cherche à incarner une autorité forte, le pouvoir moderne sombre dans la décision solitaire, donc la perception d'arbitraire. Ce cycle entretient une crise permanente de l'autorité.
La seconde rupture est relative à la place du temps. La nouvelle vie publique est vécue dans l'instant. C'est possible de s'adapter en période de campagne où la parole est action. C'est impossible en temps de gestion. Les représentants du pouvoir sont donc en permanent décalage entre les exigences insitutionnelles incontournables et une opinion qui vit la politique dans l'instant immédiat.
La troisième rupture concerne la fin du "frivole endiablé". Avec la crise économique réelle et encore plus ressentie, nous sommes passés du frimeur au fouineur. La singularisation se fait par la recherche de l'économie. Il suffit pour s'en convaincre de regarder l'univers des publicités commerciales. La crise économique rend insupportable la débauche de moyens et des dépenses. Il vaut mieux le Nord que le Lubéron. La mode des ch'tis en dit long sur un pays qui valorise la province mais pas n'importe laquelle, celle de l'effort, de la fraternité, de la modestie.
La quatrième rupture concerne la place de la volonté. La volonté devient suspecte car elle apparaît inefficace donc mensongère. Tout se passe comme si l'évolution échappait pour une large part à la volonté de notre pays donc des politiques de notre pays.
Enfin, la dernière rupture concerne l'institutionnalisation de la crise.
La vie politique est désormais dominée par la polémique évènementielle, la querelle, la contestation, la dramatisation qui sont les meilleurs supports de la distinction. La crise guette donc au coin de chaque matin. Le Gouvernement parle d'une seule voix, c'est qu'une excessive autorité contraint au silence. Le Gouvernement parle de plusieurs voix, c'est une dissonance qui révèle la crise interne ? Tout est crise. Cette logique poussée à l'extrême est une forme d'autodestruction pour le collectif.
Cette nouvelle donne doit interpeller tous les acteurs de la vie politique.
Le pouvoir exécutif qui doit trouver un nouveau rythme, une nouvelle expression, un nouveau positionnement de chacune de ses composantes.
L'opposition qui peut parier sur la récupération des mécontents en sachant que c'est un mauvais service rendu au pays que de céder à une telle facilité mais aussi que c'est un mauvais service qu'elle se rend à elle-même car si elle parvient au pouvoir son opposition n'aurait aucune raison de ne pas céder à son tour à la même facilité.
Les médias qui ont un travail déterminant de pédagogie à opérer.
Ces tendances sont à la fois structurelles et conjoncturelles. Elles sont structurelles parce qu'elles sont associées à la démocratie d'opinion moderne qui a posé ses nouvelles règles.
Ces tendances lourdes sont amplifiées par la conjoncture faite de pessimisme pour cause de crise économique.
Les Français sont comme cela. A peine croit-on les avoir compris qu'ils ont déjà changé. En réalité, derrière le changement apparent demeurent toujours des constantes. Mais ces constantes peuvent être considérablement amplifiées par la conjoncture. Enlevons la crise économique et les restrictions qu'elle porte, que de sondages donneraient des résultats différents.
La crise économique ajoute à l'insupportable parce que l'opinion est amère et revancharde. Sous cet angle, la première année de mandat de Nicolas Sarkozy n'a pas été perdue. Elle n'a pas été gagnée mais peut-être n'est-elle tout simplement pas gagnable dans de telles circonstances pour lui comme pour tout autre Président ?