Hervé Morin sur le départ
Le Ministre de la Défense peut-il rester en fonction après la démission du Général Cuche alors même qu'il était déjà très critiqué dans la hiérarchie militaire ?
Restaurer la responsabilité est une nécessité. Mais comment comprendre que le chef d'Etat Major se sente engagé par un drame et pas l'autorité ministérielle ?
C'est un échelon trop élevé ou pas assez élevé.
Dans le langage courant, deux termes, pouvoir et responsabilité, sont presque synonymes.
Un responsable est une personne qui détient une fraction de pouvoir.
Pour autant il paraît indispensable de définir ces deux expressions. Le pouvoir est la faculté pour quelqu'un d'imposer sa volonté à un autre. Il est lié à l'idée de contraintes.
La responsabilité fait référence à deux notions certes celle d'une prise en charge du destin d'autrui mais aussi le décompte qu'il faudra rendre en contrepartie de cette prise en charge.
Cette définition montre que pouvoirs et responsabilités ont donc toujours été intimement liés pour constituer les deux facettes de l'autorité.
Ces dernières années, des dissociations importantes sont intervenues.
Elles ont donné naissance à un sentiment de crise dans la mesure où l'exercice du pouvoir est devenu excessivement déconnecté de toute situation de responsabilité. Cette déconnexion est immédiatement apparue comme contraire à l'exercice classique du pouvoir qui conduit son détenteur à assumer une responsabilité.
En France, pendant longtemps, l'État n'était jamais déclaré responsable.
Considéré comme souverain, il était de ce fait irresponsable. Une formule résumait cette situation : "le roi ne peut mal faire".
A cette époque, cette irresponsabilité était sans doute grave au niveau des principes mais pour autant elle ne présentait pas nécessairement trop d'inconvénients pratiques car les services publics étaient peu nombreux et les conditions d'interventions de l'État étaient limitées. Donc la possibilité de causer des dommages l'étaient autant.
Il a fallu attendre le début du XXe siècle pour voir consacrer l'idée d'une responsabilité générale de l'administration.
Une responsabilité qui s'écarte du droit civil. Ensuite, progressivement, la responsabilité de la puissance publique a été considérablement étendue. Qu'il s'agisse de la responsabilité politique, de celle de l'administration par l'intermédiaire des Ministres.
La responsabilité politique relève de l'autorité ministérielle et non pas de la hiérarchie administrative.
Le départ du Général Cuche traduit une regrettable confusion. Il parait difficile pour le Ministre de la Défense de ne pas avoir un acte symbolique fort. Ses relations avec la hiérarchie militaire seraient particulièrement délicats demain s'il devait se maintenir à son poste.