Hervé Morin fait marche arrière
Jouant sur les mots et sur les dates, le Ministre de la Défense accrédite de fait l'existence d'une nouvelle version préoccupante sur les moyens de nos troupes en Afghanistan.
"La coalition n'a plus le choix. Le véritable théâtre d'opérations est désormais l'Afghanistan " : cette remarque est effectuée de plus en plus souvent dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Longtemps invisible, cette guerre est le nouveau défi.
Les circonstances actuelles ne peuvent pas ne pas nous rappeler la situation des années 80 avec ce qui devint alors un véritable bourbier pour les troupes soviétiques.
En septembre 1979, le Président Taraki, remplacé en mars par Hafizullah Amin, est assassiné à son retour de Moscou.
Deux mois plus tard, devant le développement de l'insurrection populaire, les troupes soviétiques envahissent l'Afghanistan.
C'était le début d'un tournant majeur dans toute l'Histoire de l'URSS. 600 000 militaires allaient connaître cette guerre selon des modalités de "tourniquet" qui visaient à assurer la présence permanente sur place d'au moins 150 000 hommes.
Les Soviétiques ne seront jamais en état de gagner cette guerre.
Ils ne contrôleront jamais le territoire. La Résistance leur infligera des pertes considérables : 30 à 50 000 militaires tués. A ces premiers chiffres doivent s'ajouter 40 000 pertes dans l'armée officielle de Kaboul. Quant à la Résistance et la population civile, le chiffre de plus de 200 000 morts est avancé.
Mais aussi, l'Union Soviétique y a perdu une grande partie de son image de marque. Des villages ont été massacrés en représailles de pertes militaires. Des cultures ont été incendiées.
Ainsi, les médias internationaux ont beaucoup relayé le massacre de Kunduz au Nord de l'Afghanistan. Le 12 décembre 1985, les Soviétiques ont massacré 566 civils. Les survivants ont été achevés à coups de baïonnettes et à coups de cailloux ââ¬Â¦ Toute la stratégie internationale de l'URSS a été impactée et les relations avec le Tiers Monde n'ont plus jamais été les mêmes quand un Etat comme l'URSS utilisait de tels moyens pour briser une "résistance populaire" et incarner un impérialisme aussi brutal.
Aujourd'hui, les terroristes emploient les mêmes méthodes que la résistance d'hier. La semaine dernière, le chef d'état-major interarmes Américain, l'Amiral Mike Mullen, a reconnu que la coalition n'était pas "en train de gagner et qu'il fallait changer de stratégie".
L'Amiral a donné quelques pistes majeures à l'exemple de l'intervention sur le territoire du Pakistan.
De telles opérations vont fragiliser le Gouvernement Pakistanais car elles provoquent toujours la colère des populations.
Mais surtout, il va falloir changer le nombre des militaires, changer radicalement le nombre des militaires présents.
Dans ce contexte, ce changement ouvre bien entendu l'hypothèse de pertes humaines croissantes parmi les forces coalisées.
C'est une nouvelle donne majeure pour des démocraties.
Les opinions accepteront-elles des sacrifices de ce type pour un combat aussi "lointain". L'actuelle campagne électorale Canadienne montre les "réserves" rapides de l'opinion. Le Premier Ministre Canadien vient de s'engager pour un retrait des troupes dès 2011 au plus tard.
L'Afghanistan va s'inscrire dans le paysage de chaque démocratie des forces coalisées en leur posant des défis comparables à ceux des années 80 :
* le rôle des médias,
* les sollicitations répétées de l'opinion et donc sa fragilisation face à ce pays si loin,
* le rapport plus global à l'islam. Plus cette guerre s'exposera, plus elle exposera la question de l'islam.
C'est un nouveau défi majeur qui est né.
Hervé Morin y entre à reculons.