Dominique de Villepin et l'épreuve de mémoire
A près de trois semaines du début du procès Clearstream, l'exaspération monte manifestement parmi les rangs des Villepinistes. Il s'agit d'un procès qui dépasse de loin la seule cause de Dominique de Villepin.
Ce procès est d'abord un rapport à la mémoire collective. Comment une mémoire peut-elle en chasser une autre ?
A ce jour, pour l'opinion publique, Dominique de Villepin est un tempérament marqué par deux références : courage et loyauté.
Le courage de cette voix claire, sûre qui s'exprime au sein de l'Assemblée générale de l'ONU pour exposer d'autres voies que la guerre. Dans ces moments, cette voix a d'abord été l'expression du message universel de la France. Par la suite, les évènements ont attesté du fondement de l'analyse.
La loyauté est celle manifestée au Chef de l'Etat alors même qu'il avait tourné la page, âge aidant, des batailles internes anciennes qui avaient mobilisé son énergie pendant des décennies non sans succès. Alors même que le Président de la République était contesté au sein même de son Gouvernement dans des conditions inédites sous la Vème République, il devait rester quelques ultimes remparts respectueux de certains principes institutionnels comme de valeurs humaines.
Le procès Clearstream vise à chasser cette mémoire pour en substituer une nouvelle : celle de tripatouillages informatiques.
Cette tentative peut compter avec deux "assistants" liés à la culture du moment :
- le premier "assistant", c'est le nouveau réflexe du "tout se vaut". Dans le flux d'informations, une partie de l'opinion ne trie plus. Elle absorbe et passe à l'évènement suivant. Il n'y a plus de place pour les nuances et encore moins pour la hiérarchie des informations,
- le second "assistant" c'est le réflexe, là aussi nouveau à ce point, d'une "opinion qui préfère croire que chercher à comprendre".
Sur ce dernier volet, la liste des "anomalies" récentes est longue si l'opinion cherchait à comprendre.
Quelques exemples :
- Besancenot monte en "étoile de la gauche" mais lors du scrutin européen il s'écrase lamentablement ... Les sondages qui le plaçaient en "champion de la gauche" éclataient l'offre socialiste en 5 à 6 autres candidats...
- DSK serait la nouvelle "coqueluche de l'opinion". Mais c'est la droite qui le booste alors même que, dans un climat de campagne, cet électorat se retirera dès le début de la campagne pour retourner à des offres plus classiques ...
- Kerviel est envoyé comme seul auteur d'un "délit" à 5 milliards d'euros au sein d'un organisme qui surveille les dépassements de 10 â⬠des découverts de comptes de millions de ménages et qui là aurait été dans l'incapacité de "surveiller" quelques dizaines de traders pour des montants de 5 milliards d'euros ...?
Par des réactions excessivement simplificatrices en adoptant l'information qui est livrée sans exigence de reflexion, l'opinion installe un totalitarisme inquiétant.
Lors des prochains scrutins, c'est un enjeu double nouveau qui s'ouvre :
- qui va accepter d'aller dans le "sens de l'opinion" fut-ce au prix de la vérité ?
- qui va ensuite considérer qu'il faut corriger cette tendance dans l'exercice même du pouvoir parce que cette tendance est d'une certaine façon le deuil d'une forme de démocratie ?
Sous cet angle, les étapes du procès Clearstream seront bien des illustrations fortes d'une certaine idée de la politique et surtout d'une certaine idée d'exercice du pouvoir.