Ségolène Royal et l'information en crise
La leader socialiste s'en prend au groupe Hachette. Un nouvel exemple d'une information "classique" qui traverse une crise grave.
L'information en France est malade. Si cette maladie est quasi généralisée, elle frappe maintenant tout particulièrement la presse quotidienne tous supports confondus.
Premier travers, la presse quotidienne, y compris la presse régionale, est devenue davantage une presse d'opinion que d'information.
Hier, seuls les éditoriaux étaient censés laisser une grande part à l'opinion. Aujourd'hui, presque chaque sujet comporte tellement de commentaires subjectifs qu'un journal semble composé d'éditoriaux généralisés.
Cette approche est très "exclusive".
Tous ceux qui ne se retrouvent pas dans cette interprétation généralisée décrochent rapidement.
Bien davantage, ils se sentent agressés car ce n'est pas ce qu'ils attendent d'un produit d'information.
La priorité ne devrait pas être donnée à l'interprétation mais à la vérité des faits. Le journaliste, y compris maintenant le localier de la PQR, est ainsi devenu un "engagé" qui met en scène tout y compris la plus insignifiante foire locale alors qu'il devrait être d'abord un détective vigilant de la vérité des faits : chiffres sur les personnes présentes, comparaison des fréquentations d'une année sur l'autre, détail des déclarations des personnalités comme du temps passé ...
Cette confusion des rôles fait naître de nouveaux espaces.
Dans l'attente de l'affirmation de ces "nouveaux espaces" dont Internet, un divorce commence à naître entre les médias classiques et l'opinion.
Est-il naturel qu'il faille attendre un reportage de la télévision ... belge pour évoquer la scénarisation des déplacements présidentiels ? C'est aujourd'hui un sujet quotidien de discussions.
Qui peut aujourd'hui sérieusement défendre que :
- la crise financière peut se résumer à la question des bonus des traders ?
- la dette publique colossale peut se résumer à la question du retour de 3 000 foyers fiscaux partiellement exilés ?
...
Sur autant de sujets majeurs, la presse classique, pourtant composée de journalistes de talent, accepte d'être débordée, baladée par des annonces sans lendemain.
Ces annonces ont un ennemi majeur : la réalité du quotidien.
La Vème République porte en effet des vices certains dont le refus permanent d'une presse indépendante. Combien de démocraties modernes ont des actionnaires de groupes d'information aussi dépendants des marchés d'Etat ?
Voilà bien un sujet sur lequel le Chef d'Etat s'honorerait à vouloir changer les "pratiques" de la Vème République pour qu'elle entre enfin en la matière dans la cour des démocraties modernes qui supposent d'accepter et de faire-vivre une culture de réel contre-pouvoir médiatique.
L'opinion n'est plus dupe. Cet élément du passif présidentiel compte probablement dans les facteurs d'un danger de retournement.
De scénarisation à ... manipulation, la frontière est fragile.
Le jour où l'opinion aura le sentiment d'avoir été manipulée dans des proportions excessives (car elle se sait déjà manipulée et la seule question reste celle de la perception de l'excessif), un gros cortège franchira d'autres frontières avec le seul papier qui compte dans une démocratie : le bulletin de vote.