Dominique de Villepin et la nouvelle respectabilité
Par le succès de son réseau social, Dominique de Villepin est-il en train d'écrire une nouvelle page de la citoyenneté moderne dans la vie politique Française ?
La "vie républicaine" a été traditionnellement constituée autour de principes simples :
- le respect d'autrui,
- l'honnêteté,
- le sens de la justice avec ce terme dans une acception plus proche de l'équité que de la pure règle de droit,
- la place de l'Intérêt Général,
- la générosité.
Ces termes constituent les fondements essentiels de la morale républicaine en France.
S'en émanciper exagérément constituerait un grand risque pour tout responsable public français.
Mais progressivement trop utilisés, ces mots ont perdu beaucoup de sens. De nouvelles règles sont apparues. Une nouvelle citoyenneté est née. Elle repose sur la respectabilité comme valeur partagée entre tous les individus. Là aussi, il importe d'aller voir derrière les mots et de nombreuses évolutions sont en cours.
En effet, cette respectabilité existe à la condition que le dialogue entre leaders et citoyens naisse sur des bases nouvelles qui intègrent au moins 5 réalités fortes :
1er constat : le désir de militantisme est devenu moins fort. Le rejet de la vie politique est tel que la tentation du détachement militant est de plus en plus pressante. C'est l'individu qui compte parce qu'il est libre et non plus le militant parce qu'il serait prisonnier d'un engagement qui aliène son autonomie.
2ème constat : l'indépendance d'esprit a pris le pas sur le prêt à penser des grands blocs politiques. Cette évolution est la marque de deux facteurs. La perte de légitimité des partis diminue d'autant leur audience et leur influence. C'est surtout le fruit d'une opinion qui a gagné en autonomie d'information, de réflexion, d'analyse.
3ème constat : le citoyen est mort, vive l'individu. La notion de citoyenneté portait en elle une conception de dépassement de l'individu qui serait capable de s'extraire de ses considérations particulières pour penser d'abord aux intérêts de la Cité. Cette époque est finie. L'individu a pris le dessus sur le citoyen. Il faut accepter cette individualisation pour aller vers un langage qui corresponde à cette évolution fondamentale.
4ème constat : le zapping s'accélère. Ce phénomène qui touche tous les secteurs de la vie collective dont la consommation quotidienne traduit la volonté d'optimiser ses gains personnels. Ce zapping peut être présenté ou perçu comme une forme préoccupante d'instabilité. Ce n'est pas le cas. C'est d'abord la recherche de l'optimisation des opportunités d'une vie. Cette évolution change totalement le positionnement du bilan dans la politique. Les électeurs savent que ne pas reconduire une équipe n'équivaut pas à la disparition de ses dernières réalisations. Ces réalisations sont acquises une fois pour toutes. Si de nouvelles opportunités s'offrent à eux, ils les saisiront. L'enjeu consiste donc à définir le contenu des nouvelles opportunités. La qualité de gestion de crise par Nicolas Sarkozy l'hiver 2008 comptera peu en 2012 pour les électeurs indécis. D'abord, cette qualité sera toujours contestée. Mais surtout, cette gestion sera digérée et s'effacera devant un seul enjeu : "moi demain".
5ème constat : d'abord le pouvoir de dire non. Un effort de pédagogie sera de plus en plus nécessaire pour éviter qu'une proposition ou qu'un élément ne devienne l'épouvantail qui fasse basculer l'élection en mobilisant d'abord les non.
Cette nouvelle respectabilité est le corps des nouvelles règles posées par les citoyens.
Après avoir réussi le lancement de son réseau social, Dominique de Villepin sera-t-il le premier à mettre en oeuvre cette nouvelle respectabilité qui passe par une relation totalement différente entre les leaders et les citoyens ?
Cette question passe notamment par les arbitrages sur les modalités pratiques de gestion de son réseau social comme marqueurs du dialogue réel.
Il importe donc de suivre avec attention ses prochains arbitrages car il s'approche du moment où il doit montrer qu'il s'attache à un contenu neuf de nature à changer la dimension de la prochaine présidentielle. C'est là l'enjeu prioritaire des premières semaines de 2010.