Brigitte Girardin et le nouveau modèle Français
La Présidente du Club Villepin a une tâche lourde : donner un contenu pratique au nouveau modèle Français que Dominique de Villepin va proposer.
Les pharaons offraient le spectacle des pyramides. Les Grecs celui des temples parfaits. Les Européens construisirent des cathédrales orgueilleuses. De tous temps, les gouvernants ont cherché à marquer l'Histoire par des réalisations spectaculaires.
Aujourd'hui, loin de telles constructions, la bataille est sur le terrain du modèle de développement économique et social. L'enjeu est symboliquement le même. Il s'agit de déceler le projet mobilisateur pour une nation afin qu'elle " marque le monde ".
Ce projet a une double finalité.
D'une part, il a vocation à communication externe. C'est un message donné aux autres nations.
D'autre part, il constitue surtout un outil de communication interne. Pour remplir cet objectif, le projet doit respecter trois qualités essentielles. Il doit être ambitieux tout en étant susceptible de se concrétiser assez rapidement. Il doit offrir à chacun la perspective d'une identification positive. Enfin, il transcende les divisions traditionnelles pourtant supposées irréductibles. Sous ce dernier volet, ce projet devient une force dépassant les égoïsmes, mobilisant les énergies avec une logique d'universalité.
Depuis plusieurs années, la notion de "modèle français" est d'actualité. C'est d'ailleurs étonnant que le Gouvernement ouvre un large débat sur "l'identité Française" et non pas sur "le modèle Français", ses valeurs ajoutées inaliénables comme ses adaptations incontournables ...
Pour Brigitte Girardin, l'enjeu est simple. Il faut réveiller les Français en redéfinissant leur volonté de " vivre ensemble ". Une apathie générale s'installe. Ce climat est peu propice aux efforts collectifs pourtant nécessaires dans de multiples domaines.
Sur le plan extérieur, les citoyens Français ont entendu parler d'un " modèle britannique " menant avec efficacité la chasse au chômage, restaurant la discipline y compris chez les ados.
L'Europe parait exposée à des remises en question profondes à l'exemple du débat sur l'adhésion de la Turquie qui introduirait un " modèle " peu compatible avec nos valeurs républicaines classiques.Toutes ces circonstances vont dans le même sens : le besoin de redéfinir le ciment de nos groupes sociaux.
Tous ces facteurs peuvent, dès à présent, laisser prévoir que la définition " d'un modèle français " sera au centre des débats de la prochaine élection présidentielle. Il ne peut seulement être question de rupture ou " d'exception française ". La notion de rupture constitue une étape déjà " digérée " par l'opinion publique car trop usée depuis la présidentielle 2007.
Peut-il être alors simplement question de préserver une ou des " exception(s) française(s) " ?
La notion même " d'exception française " est par définition très restrictive et défensive. Il s'agit de protéger des droits acquis. Il n'est pas question de les exporter voire même d'en conquérir de nouveaux.
Ces deux notions ne peuvent constituer " des drapeaux " mobilisateurs à la hauteur des défis du moment.
Le vrai défi : concevoir la réconciliation autour du contenu concret d'un modèle français.
Cet enjeu conceptuel trouve son creuset dans la certitude de singularité et d'exemplarité qui berce les Français depuis de nombreuses décennies au moins. Avec de tels repères culturels, il est difficile de ne pas concevoir un modèle ambitieux. L'enjeu est de construire un patriotisme moderne, une sorte de nationalisme contemporain.
En août 1914, Poincaré écrivait : " La France sera héroïquement défendue par tous ses fils dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée ". Il faut identifier, conceptualiser, concrétiser la " guerre pacifique " qui peut justifier une telle union sacrée. Cet enjeu est d'autant plus important qu'il cache un nouveau positionnement du " pouvoir ".
Brigitte Girardin compte mobiliser tous les acteurs du réseau social de son Club pour participer à cette définition. Une démarche qui est certes un enjeu de contenu mais aussi un enjeu de méthode pour mettre en place une démarche participative exemplaire du "terrain qui communique".