Dominique de Villepin et le défi d'égalité
Et si l'actuelle interrogation sur l'identité nationale cachait un autre enjeu du ciment national : la définition moderne de l'égalité ?
Le thème de l'égalité dans la vie politique Française est aujourd'hui marqué par de profonds paradoxes.
En effet, il importe de constater que le développement personnel est l'une des qualités les plus attendues par la société Française. Ce développement personnel consiste à reconnaître l'affirmation de satisfactions individuelles et par conséquent à s'extraire d'une culture d'égalité.
L'égalité qui est souvent présentée comme étant le socle d'une certaine uniformité pourrait ainsi être à contre-courant d'une opinion à la recherche de la personnalisation, de l'autonomie.
En réalité, l'égalité est probablement actuellement l'enjeu majeur positif de l'identité Française.
L'exclusion n'est-elle pas le mot moderne des inégalités les plus graves dans les formes actuelles de pauvretés ?
Par ailleurs, si les anciennes différences culturelles de classes demeurent encore visibles bien qu'elles se soient atténuées, il n'est pas établi que ces différences soient moins intenses qu'autrefois.
Les différences se manifestent maintenant de façon plus "subtile".
On reconnaît la catégorie sociale d'un individu par la marque de sa voiture, celle de ses vêtements, par un certain nombre d'autres critères qui sont différents de ce qui pouvait exister auparavant.
Il y a également culturellement un certain nombre de différences qui sont nées.
Ces dernières années ont été la fin de la culture de la "constellation centrale" comme l'appelait Henri Mendras. Cette "constellation centrale" devait être celle de la naissance d'un grand noyau moyen central de la société française.
A l'opposé, y a aujourd'hui une société qui est considérablement plus éclatée.
De façon plus globale, l'inégalité frappe certes toujours la consommation mais des différences très importantes sont nées bien au-delà.
Il y désormais des normes de vie qui recouvrent des volets de plus en plus différenciés.
Ainsi, la notion d'égalité n'est plus du tout celle qui pouvait exister par le passé.
Si l'égalité reste d'actualité c'est surtout quand elle recouvre un appel à la sécurité face à un certain nombre d'incertitudes objectives liées au chômage, aux déséquilibres de la sécurité sociale, à la précarisation des régimes de retraite, à la délinquance, aux problèmes écologiques ou technologiques.
Cet appel à la sécurité recouvre d'abord un besoin d'un confort minimum et d'une sécurité minimale des Français qui craignent pour leur emploi, leur logement, leur retraite, leur santé.
Ce sentiment de menaces est tellement présent dans les esprits avec les conséquences terribles qu'il peut engendrer sur les personnes comme sur leurs biens que la société française, derrière la notion d'égalité, appelle à la reconnaissance d'un filet collectif de sécurisation.
Cette évolution traduit un phénomène majeur.
Progressivement, une valeur a changé de contenu donc de sens réel.
La définition de cette "égalité des temps modernes" est peut-être le véritable défi positif de l'identité Française ?
Dans les dernières interventions de Dominique de Villepin, ce volet prend une place croissante.
Cette égalité moderne qui accepte les différences et se distingue donc de l'uniformité comme de l'unicité de traitement est peut-être le socle du contenu des prochaines prises de position de l'ancien Premier Ministre qui partirait ainsi à la rencontre de la dimension sociale tant attendue par les Français. Son déplacement à Bordeaux le 15 décembre méritera une attention particulière.
1995 avait été la présidentielle de la lutte contre les fractures sociales. 2012 sera peut-être celle de la définition positive des formes d'égalité du nouveau siècle : de la formation à la responsabilité en passant par toutes les nouvelles formes de protections ?