Dominique de Villepin gagne la course au web
Depuis de très nombreuses semaines, l'UMP fanfaronnait sur le "jour d'après". Le jour du lancement de son réseau social, toutes les autres initatives passeraient dans "la division inférieure". Lancé hier, il est donc temps de juger sur des faits.
Pour comparer techniquement deux réseaux sociaux en l'espèce celui de Dominique de Villepin mis en ligne le 15 septembre 2009 et celui de Nicolas Sarkozy mis en ligne le 7 janvier 2010, 5 critères méritent une attention particulière.
1) le nom : en la matière, d'ordinaire, le nom doit être simple et évocateur car il est un "faire part de naissance". Là, l'UMP fait compliqué et restrictif.
Compliqué, parce que la formule en question n'est pas usuelle ; bien au contraire. Il pouvait être question de "créateurs du possible" ou de "créateurs des possibles". La formule choisie emprunte aux deux et fera naître des confusions donc des difficultés d'accès.
Mais surtout, cette formule est restrictive. Elle est à l'opposé du rêve voire même de l'espoir. Le rêve et l'espoir vont au-delà des possibles. Laisser une place au rêve, c'est reconnaître qu'ensemble rien ne "devient impossible". En laissant une place à l'impossible, l'UMP n'occupe pas le terrain des "nouvelles frontières" mais celui des "réalités du restrictif".
Le Club Villepin avait fait simple (Villepincom) en recourant à un nom rattaché à une personnalité. Cette simplicité a l'avantage d'être efficace.
2) Les finances : il s'agit d'établir le rapport entre le résultat obtenu et le montant dépensé. 500 000 â⬠pour mettre en ligne une architecture technique de ce type est la plus belle promotion commerciale pour les architectures de "prêt à porter" dont il est désormais établi de l'extrême compétitivité des honoraires.
3) Le graphisme : l'UMP livre un graphisme commun. Le parti pris serait celui de la sobriété. Il est surtout celui des "chemins déjà parcourus".
4) Les fonctions : ce réseau ne comporte aucune fonction qui n'ait pas déjà été occupée par d'autres réseaux mis en service antérieurement à l'exemple du réseau du Club Villepin.
5) Le calendrier : là aussi, pour se distinguer, les réseaux mis en service après d'autres doivent exposer leur "valeur ajoutée", ce qu'ils apportent en plus ou en neuf. Dans le réseau Sarkozy, n'y a rien de plus ni rien de neuf.
Par conséquent, techniquement, cette mise en service est d'abord une déception par rapport aux annonces.
Cette déception est révélatrice d'un hors jeu culturel qui s'installe gravement de façon systémique dans les opérations de la majorité présidentielle avec quatre facteurs :
1) Le principe de précaution a vocation à s'appliquer à tous les domaines sauf aux ... finances. L'argent ruisselle. En période de crise, c'est une forme d'insulte ou pour le moins de provocation pour tant d'autres initiatives qui ont compté "le moindre sou".
2) L'annonce est décalée de la réalité. Il était question d'une "révolution". Où est-elle ? En quoi réside-t-elle ? Cette "ambiance de mots" utilisés sans rapport avec leur sens envahit la vie publique et généralise un sentiment de manipulation permanente qui devient préoccupant.
3) La compétition avec des "compétiteurs" qui ne le sont pas. A quel titre, la promotion de ce réseau indique-t-elle que Barack Obama "serait dépassé" ? Là encore, ce n'est pas la réalité mais surtout ce n'est pas l'enjeu. L'enjeu d'un réseau c'est qu'il soit approprié aux usages attendus par ses membres afin que ces derniers se l'approprient et le fassent vivre. Pourquoi faire d'Obama un critère de jugement ?
4) Le parti pris d'absence de modération préventive est impossible à tenir dans la durée. Surtout, il ouvre la fenêtre à trop de risques en matière de dignité d'expressions à un point qui peut décrédibiliser ce réseau et qui servira de très mauvais exemple.
Dans la compétition entre les réseaux sociaux Villepin et Sarkozy, le premier mène donc manifestement non seulement dans le calendrier mais sur tous les autres critères.
La comparaison avec le réseau social Sarkozy est le plus bel hommage qui pouvait être rendu aux travaux de Brigitte Girardin et de Christophe Carignano.
Si l'équipe de la majorité présidentielle ne gagne pas en qualité créative, il est à craindre que la campagne présidentielle 2012 soit très éloignée de la qualité de la "France d'après" menée en 2007 au moment où il y a déjà tant de regrets en faveur de la France ... d'avant.