Ségolène Royal et le referendum sans nom
Au moment où l'opinion va sanctionner sévèrement la politique présidentielle, comment Ségolène Royal peut-elle capitaliser d'avoir "eu raison trop tôt" ?
L'un des plus grands stratèges électoraux américains, Richard Wirthlin, Conseiller de Ronald Reagan, a résumé en une formule les campagnes plébiscitaires "si nous réussissions à faire de la campagne de 1980 un référendum sur les résultats obtenus par Jimmy Carter, l'élection était acquise".
Son homologue dans le camp démocrate, Patrick Caddell, a résumé leur enjeu de la façon suivante "sachant ce que le peuple pensait du président, nous nous devions axer notre campagne sur le futur car sur le passé nous étions convaincus d'être battus à plate couture".
Le scrutin a tourné sur la Présidence Carter et R. Reagan a réalisé l'un des plus beaux scores de toute l'histoire électorale des USA.
Depuis 1980, rien n'a changé ou plutôt tout s'est amplifié : chaque campagne devient un referendum sans nom.
Les actuelles élections régionales l'attestent si besoin était : même les élections locales deviennent des scrutins référendaires sur ... la politique présidentielle.
Cette situation est la traduction de plusieurs facteurs.
Premier élément, les campagnes sont devenues des campagnes plébiscitaires sur des bases simples binaires.
C'est un référendum sur une ou deux questions qui font l'opinion publique à un moment donné. Tout l'enjeu réside dans la capacité à influer sur l'émergence desdites questions. Cette "bataille culturelle" conditionne le choix du terrain de la bataille électorale.
Second élément, la réalité politique a de plus en plus imposé le bilan du président sortant comme l'un des enjeux majeurs si ce n'est en permanence l'enjeu principal d'un référendum sans nom .
Les régionales 2010 tournent à un referendum sans nom caricatural : pour ou contre la politique présidentielle.
Les listes UMP en ont conscience. Tout leur enjeu est de répondre à la question suivante : comment engager une conquête si l'image nationale donnée par le parti du Président sortant est si peu attirante ?
Cette question est d'autant plus importante que, peu connus, les bilans régionaux ne suscitent donc pas d'effets repoussoirs. Cette réalité montre aussi qu'une élection c'est certes le bilan d'un pouvoir mais c'est aussi le bilan d'une opposition. Quand cette opposition a été inexistante, elle est considérablement fragilisée...
Dès le 21 mars au soir, il va donc falloir donner une clef d'interprétation de ce qui s'annonce comme une déferlante de gauche.
Pour Ségolène Royal, il lui faut acter deux faits :
- la confiance locale par la réélection,
- la faculté de prévoir qui fut la sienne en 2007. Cette réhabilitation de son actif présidentiel ne peut que l'aider dans les prochaines étapes.
Il lui va donc falloir conduire l'explication du referendum sans nom et livrer la bataille de la mémoire sur les conditions du vote 2007 avec les annonces qui furent alors les siennes.