Brigitte Girardin et la génération Villepin
La réaction de Brigitte Girardin face aux déclarations de Marie-Luce Penchard est une illustration de l'écart d'esprit qui existe entre les deux équipes Sarkozy et Villepin.
"L'intérêt général ne se divise pas" : c'est l'essentiel de la réaction de Brigitte Girardin, ancien Ministre de la Coopération. Une formule brève qui montre tout l'écart de tempérament qui existe entre l'équipe présidentielle et celle de son principal challenger.
Le sondage Ifop Paris Match place Villepin au centre de l'actuelle mode contestataire. Derrière ces réactions ponctuelles, il peut y avoir des phénomènes de fond qui en disent long sur le décalage culturel qui existe désormais entre l'équipe présidentielle et les attentes de l'opinion.
Sur le fond, 5 lignes de frontières séparent l'équipe de Dominique de Villepin et la "génération Sarkozy".
La première ligne est celle du retour des principes face à la culture "no limit" qui anime le camp Sarkozy. Là est l'exemple immédiat de la réaction de Girardin face à Penchard. La première dit "vous représentez la France indivisible". La seconde répond" je suis candidate UMP et j'ai envie de gagner". Toutes proportions gardées, c'est l'équivalent de la main d'Henry et de la fin qui peut justifier beaucoup de moyens. Lors des réunions de travail ou des messages de Brigitte Girardin, il y a des règles à respecter. Ainsi pourchasse-t-elle les attaques trop agressives qui pourraient exister sur les réseaux sociaux du Club Villepin ce qui alourdit considérablement les travaux de modération face à des manoeuvres manifestes d'opposants.
La seconde ligne est celle de l'intérêt général face aux "intérêts particuliers". La culture de l'Etat est toujours présente sans complexe dans l'équipe Villepin vis à vis du secteur privé. La sagesse populaire a coutume de dire "dis moi qui tu admires je te dirai qui tu es". Chez Villepin, l'admiration va aux grands serviteurs de l'Etat quand chez Sarkozy l'admiration est accordée manifestement aux grands capitalistes.
La troisième ligne est celle du rapport à la communication. Chez Sarkozy, ils la vénèrent. Chez Villepin, ils la tolèrent et encore...
La quatrième ligne est celle du rapport au résultat. Chez Sarkozy, toute l'énergie est mobilisée pour la gagne. Chez Villepin, l'énergie est diluée dans divers pôles d'intérêts et le chemin s'annonce résolu mais tranquille. L'expérience de 1995 leur montrerait que la différence peut se faire à 60 jours du vote. Rien ne servirait donc d'y croire trop tôt ni de se démobiliser trop rapidement. La route sera longue avec des embûches. C'est presque sur la ligne d'arrivée que l'appréciation décisive émergera. Dans l'attente, il suffirait "d'être comme on est et de faire ce que l'on croit bien".
La cinquième ligne de séparation est dans les moyens. Pour l'équipe Sarkozy, à l'exemple des 500 000 â⬠avoués pour le réseau social UMP, les moyens garantissent le résultat. Chez Villepin, le résultat dépend d'abord de la conviction d'une équipe commando à l'esprit clair et aux valeurs fortes.
Avec une telle grille de lecture, chaque observateur des deux fonctionnements constate rapidement que la séparation ne relève pas d'une quelconque revanche ponctuelle ou du choc de deux ambitions personnelles. Ce sont bien deux tempéraments collectifs et deux identités qui s'affrontent.
Ce qui mérite l'attention, c'est l'évolution nationale qui sera le creuset culturel de la victoire. C'est peut-être à ce moment là que le débat sur l'identité nationale trouvera toute sa justification ?
Sarkozy incarnera en 2012 la génération du paraître, des défis brutaux, des tactiques. Le leader d'une génération qui a confondu politique et couvertures en papier glacé, rang ministériel et positionnement de people avide de formules chocs. Une génération qui a cultivé les anglicismes. A une époque, pour être "in", les ministres ne parlaient plus de fonction mais de job ...
Villepin incarnera l'opposé. Une génération du contenu, du rassemblement, le retour du service de l'Intérêt Général, la place du devoir.
Finalement, au-delà des deux candidats, c'est bien un rendez-vous avec eux-mêmes que les citoyens auront quand de telles conceptions aussi séparées sont proposées.
La "génération Villepin" porte bien une autre France et fait manifestement appel à d'autres traits de caractère des Français que ceux de la majorité présidentielle sortante. Sous cet angle, la séparation est profonde et durable.