Ségolène Royal et le "défi Frêche"

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Ségolène Royal est probablement la meilleure réponse positive aux inquiétudes portées par le "défi Frêche" qui est lourd de significations pour l'actuelle vie publique Française.

La victoire probable de Georges Frêche marquera la consécration de quatre évolutions préoccupantes mais terriblement significatives.

En premier lieu, la décentralisation tourne autour d'exécutifs forts qui traduisent un gout généralisé pour les "hommes providentiels".

Le rôle des Assemblées se limite à des instances d'enregistrement.

Les autres membres de l'exécutif sont vite devenus des collaborateurs dociles du responsable de cet exécutif.

Tout est organisé autour d'un leader qui ne partage pas le pouvoir.

En second lieu, la vie publique française n'a pas la culture de l'équilibre des pouvoirs.

Le jeu local des institutions fonctionne sur la base d'un légitimisme officiel.

Les responsables associatifs, économiques, culturels consacrent le début d'un nouveau mandat à effectuer des visites protocolaires qui sont autant d'occasion d'expier leurs fautes passées liées aux bonnes relations avec le pouvoir d'antan.

La presse locale vante les mérites de tout nouveau pouvoir avec d'autant plus de force qu'elle était proche du pouvoir précédent. Au bout de six mois, la nouvelle "cour" s'est installée. L'opposition municipale, par définition, n'est pas à la hauteur. Elle est incompétente, sectaire ; bref, infréquentable. Pour elle, la traversée du désert a commencé.

En troisième lieu, la puissance financière et la capacité d'employeur des collectivités locales ont accentué leur force auprès des interlocuteurs souvent placés désormais en quasi état de dépendance.

Les subventions locales ne répondent souvent à aucun critère technique public rationnel.

Bien davantage, cette règle est aujourd'hui d'autant plus admise que chaque structure désigne l'un des siens pour "soigner" ses relations avec l'institution locale.

Tout ce dispositif contribue à un blocage généralisé.

Ce qui est nouveau et non contrôlé est perçu comme intolérable.

En quatrième lieu, la France s'est abandonnée à une forme moderne d'obscurantisme que porte sa culture du bouc émissaire.

Et d'ailleurs, s'est on jamais demandé si un bouc émissaire est innocent ?

Il incarne le mal, parce qu'il porte les péchés du monde. Le bouc émissaire est toujours coupable pour qui l'a désigné.

Il dispense chacun de l'éthique du doute, fondement même de la raison, et de celle du courage, qui n'est rien d'autre que le choix de la vérité plutôt que celui de l'approbation.

C'est le prix à payer pour qu'il remplisse son rôle expiatoire. La réalité s'efface devant l'illusion, et l'illusion devient réalité.

"Merveilleuse" thérapie collective sans doute, dont les politiques jouent sans pudeur ni remords.

Mais thérapie sans issue, parce qu'elle est l'exact contraire de ce qu'exige notre temps. Le piège est là. Il se referme. La lucidité des Français en meurt, et leur raison politique avec elle.

Le cas Frêche est devenu emblématique quand il est allé sur le terrain d'un duel du bouc-émissaire : Paris ou Province.

L'opinion soutiendrait-elle Paris contre un "débordement local" intolérable ou sanctionnerait-elle Paris comme l'élite qui ne comprend rien à rien y compris les formules locales supposées plus "imagées" que le langage technocratique pastel des instances parisiennes ?

Les instances de Paris ont été battues par KO immédiat. Un KO qui dépasse très largement la seule région directement concernée.

La classe politique parisienne insupporte. Elle est tellement prodigue en promesses mais avare de résultats. Frêche incarnait au moins celui qui avait fait.

Il est alors devenu l'authentique face aux faux-semblants parisiens.

Il était naturel, même maladroit ou fautif, alors que Paris incarnait le calcul tacticien.

C'est une dramaturgie qui en dit long sur le climat du pays qui a cautionné une sorte d'autodéfense du local et transformé un adepte de la provocation en héros crédible d'une forme de résistance.

C'est le marqueur du climat désormais ouvertement rebelle de la Province face à Paris.

Elue d'une région au profit de laquelle elle a fait le choix d'abandonner d'autres mandats, Ségolène Royal a donc une légitimité naturelle directe pour tirer les conséquences du scrutin régional avec le besoin de réconciliation entre le terrain et le "sommet".

c'est là où l'ancrage de sa "preuve locale" va donner à Ségolène Royal une force qui était encore difficilement imaginable il y a quelques mois tant les circonstances actuelles étaient alors peu prévisibles.

  • Publié le 28 février 2010

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