L'UMP face à un aller sans retour ?
Après avoir beaucoup joué sur les nouvelles techniques de communication, l'UMP n'est-elle pas en passe de devenir la première victime desdites techniques ?
Le mois de juin 2010 s'inscrit comme un exemple caricatural des pertes de repères dans la vie publique française désormais marquée par deux phénomènes majeurs :
1) tout se vaut,
2) ce qui compte c'est ce qui est imaginé davantage que ce qui existe.
Dans le cadre du "tout se vaut", en juin 2010, l'affaire Bettencourt - UMP a égalisé l'attention sur la réduction de la dette publique. L'élimination de l'équipe de France de football a au moins égalisé l'attention sur l'enjeu des ... retraites.
Et la liste pourrait être longue d'une succession d'informations jamais hiérarchisées qui se neutralisent, qui font perdre le sens des priorités, qui s'auto-détruisent emportées par le prochain évènement imprévisible.
Le second phénomène réside dans la préférence donnée au subjectivement possible sur l'objectivement certain. L'affaire Bettencourt - UMP est une illustration emblématique de cette évolution.
Ce qui est subjectivement possible pour l'opinion, c'est qu'une fortune privée finance un parti politique en s'affranchissant de la légalité.
Ce subjectivement possible emporte tout le reste y compris parfois des sujets établis objectivement certains mais à l'écart du subjectivement possible.
Ce qui est objectivement certain, c'est qu'un Procureur "ami" d'une partie ne peut manifestement "enquêter". La question ne devrait même pas se poser. De lui-même, il devrait se tenir à l'écart du moindre acte.
Ce qui est objectivement certain, c'est que le dossier ne peut mériter en aucune manière le nom de baptême de Woerth. Ce dernier n'a pas collecté des fonds à des fins personnelles ni pour sa propre campagne. Par conséquent, c'est soit une affaire Bettencourt - Sarkozy soit une affaire Bettencourt - UMP mais en aucune manière une affaire Bettencourt - Woerth. Ce dernier nom de baptême anticipe déjà la fonction du fusible ...
Ce qui est objectivement certain, c'est que cette affaire n'a un tel retentissement que parce qu'elle intervient à la suite de nombreuses autres plus ou moins importantes mais qui ont été un terrain pour l'éclosion de "l'affaire de trop". Cette "affaire de trop" doit-elle faire oublier les autres ?
Ce qui est objectivement certain, c'est que l'opinion est passée à une autre culture. Les affaires dans la vie politique française sont souvent marquées par deux caractéristiques. Elles naissent parce que des extrêmités sont intervenues et en même temps parce que l'opinion veut tourner une page pour vivre de nouvelles pratiques.
Les affaires actuelles marquent la fin des années "bling bling" : avec la crise économique, l'opinion ne supporte plus ce décrochage entre les "protégés puissants" et les épreuves du grand nombre.
C'est d'ailleurs certainement là le point faible le plus redoutable pour le pouvoir actuel : la réalité est désormais d'abord ce qui est perçu bien davantage que ce qui existe.
Le passif dans ce domaine pour la majorité présidentielle est tel qu'aucun dénouement procédurier ne sera crédible aux yeux de l'opinion. C'est un combat perdu d'avance. Dans de telles circonstances, l'obstination présidentielle montre, une fois de plus, le décrochage qui existe entre cette réalité du terrain et l'opinion des conseillers de l'Elysée.
Le temps médiatique a emporté toutes les autres procédures. Le subjectivement possible est installé. Il prend ses racines dès la soirée du second tour de la victoire présidentielle, puis d'un voyage sur un bateau, puis ... C'est trop tard.
La "messe est dite" même si le procès n'est pas encore à la seule première étape de la simple désignation d'un juge d'instruction.
Dans ce contexte, à terme, la position du pouvoir est étonnante : lutter contre le subjectivement possible et négliger l'objectivement certain.
Si des réponses immédiates avaient été données sur ce dernier terrain, d'autres évolutions auraient peut-être été possibles ?
En l'absence, l'UMP passe de mode, devient le parti "comme les autres". C'est un aller sans retour vers une dévalorisation de cette formation que trahissait déjà la chute vertigineuse des effectifs militants. Cette évolution va beaucoup compter sur le terrain en 2012. Le retour dans la case 2007 du "parti moderne imaginatif" devient bien difficile, c'est un euphémisme.