Dominique de Villepin et la nouvelle raison de l'Etat
Pour l'instant, le Président de République Solidaire est resté à l'écart des déclarations sur les récentes poussées de violence. Une actualité qui montre la justesse de son diagnostic avec le nom même de son Mouvement : République Solidaire. Sera-t-il le premier leader à rompre la spirale de la haine et de la violence ?
Qui sera le Robert Kennedy français dans les circonstances actuelles ?
Ce 5 avril 1968, Robert Kennedy arrive à Cleveland dans le cadre de sa campagne. C'est le frère d'un Président assassiné qui s'exprime quand la veille à Memphis Martin Luther King a été abattu.
Il prononce avec émotion l'un des plus beaux de ses discours parce qu'il parle avec le coeur de ceux qui ont vécu les épreuves sur lesquelles ils s'expriment.
Il pose alors deux questions fondamentales : "est ce que la violence a jamais créé quoi que ce soit ?" et second constat "les armes ne peuvent jamais suppléer les urnes".
Quel leader politique français va trouver les termes d'une nouvelle raison de l'Etat ?
L'exécutif est pris dans une spirale du bras de fer.
Le Part Socialiste est pris dans le piège de son Histoire. Il doit être d'autant plus ferme qu'il a une réputation de laxisme à décoller.
Le FN joue son fonds de commerce.
Mais où peut mener cette situation ?
1) Le choix du bras de fer sur un point ponctuel : est-il sérieusement possible de traiter cette forme de violence par la force ? Comment remettre dans un schéma positif un individu qui a devant lui une "carrière ... d'exclu" qui met hors de sa portée une grande part de ce qui est "naturel" pour autrui : la solution réside-t-elle dans la sanction ?
La sanction peut-elle être permanente face à quelqu'un qui n'a pas d'autre perspective que cette exclusion ?
Où est le seuil de dissuasion dans ce cadre ?
Avec de telles questions, on perçoit assez rapidement les limites dans le temps de la réponse violente à ... la violence.
Le véritable enjeu réside dans l'intégration dans un schéma positif : montrer que la société mérite d'être respectée, doit être respectée mais surtout qu'elle offre une insertion à chacun.
2) Pourquoi ce sont toujours des "autorités" qui doivent énoncer les "solutions" ?
La première forme de respect ou de réalisme ne passe-t-elle pas par "des cercles de proximité" au sein desquels les premiers intéressés énoncent des actions concrètes, précises, avec un calendrier, les conséquences qui résulteraient du succès comme de l'échec ?
Dans les études sur les cas étrangers notamment américains qui ont été résolus, ce sont ces deux volets qui sont souvent mis en avant : une réponse globale et la prise en mains par les intéressés dans un cadre clair avec des objectifs précis.
Pour l'intant, c'est une radicalisation brutale de la vie politique française qui intervient y compris avec le volet des "affaires".
Chacun prend dans l'actualité ce qui conforte son ancrage initial.
L'Ifop a publié hier une note technique très intéressante sur la synthèse des enquêtes depuis le début de l'affaire Bettencourt - Woerth.
Les chiffres traduisent-ils des évolutions profondes de l'opinion ? Non.
Chaque lecture partisane est confortée mais sans plus.
Pour les proches du PS, c'est la démonstration, une de plus, des relations privilégiées entre le pouvoir et les puissances économiques.
Pour les proches de l'UMP, c'est la preuve que la "machination est partout".
Par conséquent, l'affaire en question ne fait pas bouger les lignes.
Même le FN reste stable sur ce terrain car le FN ne gagne des points significatifs qu'avec les poussées d'insécurité.
Donc, premier résultat des chiffres : tous gagnants car chacun prend dans l'affaire ce qui conforte ses convictions initiales.
Mais, en même temps, tous perdants, parce que la politique dans son ensemble impose de la "distance" ; ce n'est plus une "activité noble". Elle augmente sa mauvaise image de marque.
Derrière bon nombre des actuels dossiers de crises, c'est là le principal danger à très court terme : donner le sentiment que la citoyenneté n'est plus le point de passage obligé pour régler les sujets collectifs et individuels. Cette crise là est la pire de toutes.
Comment penser que la France, patrie des droits de l'Homme et du Citoyen, puisse incarner cette évolution là ?
Ce doit être la première grille de lecture pour apprécier les propositions actuelles dans les sorties de crises : qui cherche à recréer du lien civique et comment ? Celui ou celle qui travaille dans cette direction fait oeuvre utile même si, dans le feu de l'action, son message peut être difficilement audible actuellement.
Ce qui est actuellement en cause c'est la nouvelle raison de l'Etat, sa légitimité, le sens de son action envers tous les membres d'une communauté.