Dominique de Villepin et la chape de plomb
Il faut beaucoup de courage à Dominique de Villepin, à Brigitte Girardin et à leurs troupes pour vivre un rentrée 2010 à l'occasion de laquelle tout est fait pour les placer sous une terrible chape de plomb.
L'emprise de Nicolas Sarkozy s'étend à trois domaines :
- la structuration du débat politique,
- le calendrier judiciaire,
- les conditions de relance de sa majorité.
Sur la structuration du débat politique, le Président droitise ses objectifs comme son vocabulaire. Il veut manifestement aller au choc frontal avec la gauche. C'est cette logique qui réduit les espaces pour de "nouveaux tempéraments" qui se revendiqueraient du "ni droite ni gauche" ou du "et de droite et de gauche" comme Dominique de Villepin.
Second axe : le calendrier judiciaire. En première instance, cette épreuve avait été le tremplin de Dominique de Villepin affirmant son courage comme son innocence. L'enjeu est aujourd'hui manifestement de transformer ce tremplin en boulet : composition exceptionnelle d'une "instance ad hoc", calendrier des séances comme celui du rendu de la décision.
Troisième axe : les conditions de relance de la majorité présidentielle. Les places seront manifestement belles pour les "chiraquiens" comme pour des "villepinistes" en rupture de solidarité apparente avec l'ancien Premier Ministre.
Cette première chape de plomb bénéficie ensuite de "rideaux de secours". Là, ils sont de deux ordres : banaliser et marginaliser.
Il faut banaliser la pré-campagne de Dominique de Villepin en limitant la couverture médiatique classique.
Il faut marginaliser l'espace et le score de Dominique de Villepin pour que la dynamique auto-entretenue d'un bon score puis d'une éventuelle victoire ne puissent pas voir le jour.
La métaphore de la chape de plomb est bien adaptée à cette situation. Le plomb est lourd mais ductile et relativement fragile : il fond facilement.
Il ne pourra pas y avoir de "changement à froid" mais une évolution à chaud. Sur quoi peut donc reposer cette "évolution à chaud" ?
La demande de "nouvel Etat" peut-elle rencontrer l'offre de Dominique de Villepin ?
En réalité, plus qu'une offre détaillée, c'est celle du mythe qui est à parfaire.
Le besoin d'Etat s'est toujours accompagné d'un besoin de mythe.
Avec De Gaulle, c'est la figure du père. Avec Mitterrand, c'est l'Etat protecteur, d'où l'efficacité de la "tontonmania" qui est le rang illustrateur de la protection sans le poids de l'autorité au quotidien. Avec Sarkozy, c'est le "frère indiscipliné" qui initialement peut rajeunir le tout mais qui ensuite casse les relations familiales, conteste l'héritage et met en cause la tradition douce même du nom partagé.
Que sera le mythe appliqué à Dominique de Villepin au-delà du panache de moments historiques qui ont marqué l'opinion ? Que sera-t-il concrètement au-delà de la splendeur du verbe du pouvoir qu'il incarne avec excellence ?
C'est l'enjeu des prochaines semaines et des prochains mois.