François Fillon et le Président nouveau
L'entretien télévisé d'hier a été l'occasion de l'ouverture manifeste d'une nouvelle séquence. Le Président cherche à s'engager dans la présidentielle 2012 sur un nouveau socle. François Fillon est l'un des moyens clefs pour cette nouvelle approche.
Dans un calendrier très rapproché, deux Chefs d'Etats viennent de mettre en oeuvre des techniques de reconquête presque à l'opposé.
Barack Obama apporte trois corrections majeures.
Tout d'abord, il veut redevenir le "Président proche". La course à la proximité est engagée.
Ensuite, il mobilise toutes les énergies sur un objectif : l'emploi.
Enfin, il se met dans une logique de conciliation politique avec son opposition pour l'amener sur des réformes à l'accord bipartisan.
Nicolas Sarkozy apporte trois corrections différentes. Tout d'abord, il intellectualise son action pour mieux s'identifier au pouvoir présidentiel classique. Ensuite, il mobilise son énergie sur le thème de la protection. Enfin, il prend le parti d'une opposition diabolisée avec laquelle aucune heure de rendez-vous ne peut être fixée et tenue.
Parce qu'il se détache ainsi du quotidien, Nicolas Sarkozy ouvre à François Fillon un nouvel espace.
Dans la comparaison internationale, certes, les deux opinions publiques sont particulièrement différentes. Mais les chemins de la reconquête sont presque à l'opposé. Il n'est pas établi que cette opposition aussi frontale de méthodes ne trahisse pas chez l'un ou chez l'autre une erreur d'appréciation sur les attentes présentes de l'opinion ?
Avec recul, sur les seules présidences françaises, les traits les plus étroits seront peut-être établis entre le mandat de VGE et celui de Nicolas Sarkozy. Il y a beaucoup de points communs. Ce style qui perturbe une partie de leur électorat conservateur. Cette volonté de réformer pour faire entrer le pays dans la modernité ...
Hier soir, le Président a mis en oeuvre avec talent la stratégie de l'hélicoptère. Elle avait été conceptualisée à la fin des années 70 par Bernard Rideau, alors Conseiller de VGE.
Quand le terrain devient trop clivant, il faut prendre de la hauteur pour devenir garant des grandes orientations consensuelles. La première priorité est alors de sortir de la mêlée d'où ce nom de baptême donné de : "stratégie de l'hélicoptère".
C'est ce qu'a effectué hier le Président de la République.
Sur l'axe principal, c'est un choix probablement nécessaire et opportun.
La surprise naît davantage sur le contenu.
Il a été question à plusieurs reprises de "sortie de crise". C'est un volet qui n'a suscité aucune question précise et c'est dommage. La France est-elle aujourd'hui "sortie de crise" ? Il semble plus probable que la France soit encore "en pleine crise" avec des volets de première gravité : chômage, dette, collectivités locales asphyxiées ...
La seconde surprise est celle de la présidentialisation par l'intellectualisation du vocabulaire. En 2007, Nicolas Sarkozy avait réussi sa percée en cassant les codes du vocabulaire "intellectuel" et en allant sur des terrains du quotidien à l'exemple du mot "racaille". Là, il veut aller à l'opposé dans le choix des mots (par exemple "collapse" ...) ou avec l'introduction de formules latines. Est-ce le moment d'intellectualiser le vocabulaire ? Cela "fait pouvoir" mais cela "éloigne du peuple". Il y a des parallèles qui sont dressés entre Obama et Sarkozy sur les discours de défaite. Ce sont deux contenus totalement opposés en dehors du parti pris d'humilité.
Enfin, le véritable problème réside de plus en plus dans l'incapacité ou l'absence de volonté des journalistes à pousser le Président dans ses retranchements ; ce qui aboutit à des réductions bien surprenantes. Un exemple : pourquoi Woerth n'est plus Ministre ? Réponse : "pour mieux pouvoir se défendre parce que non Ministre, il y a une caméra et Ministre il y en a 100". Depuis quand le nombre des caméras à la sortie d'auditions est-il de nature à impacter la situation d'innocent ou de coupable dans un dossier judiciaire ? C'est un raccourci sans aucun rapport avec le fond réel du dossier. Mais cette contradiction n'est pas relevée. La liste des contradictions de ce type est longue comme si le nombre des équipages d'avions officiels était la dépense majeure d'investissements de ce type ...
Sur ce dernier volet, c'est toute la démocratie française qui n'a plus la presse qu'elle doit avoir sur le plan national et encore davantage sur le plan local.
Sur le plan national, elle connaît deux presses :
- celle des poubelles,
- celle des habits du dimanche.
La première détruit tout tandis que la seconde encense tout. C'est le juste milieu qui manque.
Ce qui est sûr c'est qu'hier Nicolas Sarkozy a montré deux réalités importantes :
- la meilleure façon de lutter contre le populisme c'est de s'en tenir sérieusement aux dossiers de fond. Sous cet angle, la prochaine présidentielle devrait d'abord être une course à l'excellence des propositions,
- il est possible de ne pas partager ses choix ou son style mais la plongée de la gauche dans l'irréalité de ses ultras va considérablement impacter l'échéance 2012. La lecture de ses propositions adoptées le 9 novembre 2010 crée un malaise gravissime tant elles sont éloignées notamment des contraintes financières incontournables.
Là est probablement l'actuel atout majeur de la majorité présidentielle sortante. Par son côté très rassurant, voire austère, François Fillon est probablement celui qui sera le mieux placé pour dénoncer les contre-sens de l'opposition. Comme Raymont Barre en 1981 mais l'opinion vote-t-elle encore pour des programmes précis ?