Ségolène Royal en porte à faux avec l'électorat féminin
La percée de la leader socialiste tranche significativement avec un corps électoral féminin en proie à un mal être issu du stress d'une identité plurielle au contenu difficilement conciliable. Pour capter cet électorat, la leader socialiste doit lui montrer qu'elle connaît les difficultés du quotidien et les solutions pratiques que sa victoire apporterait à la vie de chacun.
52 % des Français sont des Françaises. Ce chiffre résume à lui seul l'importance quantitative d'un examen détaillé de l'électorat féminin.
Si on s'en remettait à l'imagerie du moment, le corps social féminin semblerait épanoui, en pleine conquête du pouvoir, avec un moral d'acier pour faire voler en éclat les dernières barrières d'inégalités entre les femmes et les hommes.
Ce sentiment là est en totale contradiction avec toutes les études conduites sur l'électorat féminin qui est presque à l'opposé de cette imagerie.
Il n'est pas épanoui mais stressé.
Il n'est pas conquérant mais en phase critique voire même de désinvestissement.
Il n'est pas sur le point de faire voler en éclat les "ultimes barrières" mais les a intériorisées et aspire dans un premier temps a déjà mieux harmoniser les premiers acquis.
Ce fossé peut être lourd de conséquences pour les candidates qui pourraient trop ignorer cette réalité. Le corps électoral pourrait alors s'en détacher avec d'autant plus de sévérité qu'il estimerait que les intéressées ne connaissent pas la "vraie vie".
Un examen d'autant plus indispensable que cette composante de la société Française a connu une évolution considérable dans les domaines du couple, du travail, de la vie politique.
Cet électorat est structuré autour de 5 repères majeurs.
1) La conscience que des évolutions considérables sont intervenues mais que des progrès sont encore nécessaires. Les "choses se sont améliorées mais elles peuvent encore s'améliorer".
2) L'avenir les inquiète. Plus la tranche de l'électorat féminin est jeune plus cette inquiétude est grande pour donner naissance même à une réaction qui s'apparente plus au pessimisme qu'à la simple inquiétude.
3) C'est un corps social surmené qui n'est pas arrivé à trouver un juste équilibre entre toutes les nombreuses et souvent contradictoires obligations ou responsabilités. Les "canons de la beauté" sont exigeants et les obligations professionnelles et familiales donnent le sentiment qu' l'éloignement est incontournable. Donc un sentiment très répandu de mal être.
4) Les femmes sont à ce jour en observation de la sphère politique et non pas en position de conquérante. Leur investissement est faible. Leur opinion est très critique. Pour elles, la politique c'est souvent le règne de la corruption, des résultats semblables droite comme gauche ...
Cet absence d'investissement est probablement la conséquence de leurs difficultés à déjà concilier leurs statuts professionnels et personnels.
5) Les femmes sont aujourd'hui déstabilisées par l'exigence de concilier une identité terriblement plurielle : travailleuse, épouse, mère, copine, citoyenne. Il importe également d'avoir à l'esprit qu'avec l'augmentation du nombre des divorces, certaines fonctions sont parfois pour partie "doublées".
A ce jour, le parcours de S. Royal est plus emblématique que représentatif d'une démarche portée par un phénomène collectif profond.
Pour rallier l'électorat féminin, il lui faut montrer que sa victoire sera celle de toutes les femmes dans leur quotidien. Un sacré enjeu.