Dominique de Villepin et les mauvais habits
Une question anime actuellement beaucoup d'analyses et de commentaires bien au-delà des "cercles spécialisés". Comment Dominique de Villepin peut-il actuellement stagner entre 3 et 6 % ? Toutes les fées se sont penchées sur lui et comment peut-il être dépassé par des concurrents objectivement moins "favorisés" ? Comment l'opinion du centre droit qui veut s'émanciper de Nicolas Sarkozy peut-elle lui préférer Borloo qui a endossé 4/5 ème du bilan de Nicolas Sarkozy alors même que Dominique de Villepin a pris ses distances depuis 2007 ? Faudrait-il en déduire que l'opinion a toujours tort et qu'elle ne saurait reconnaître les talents qui se présentent à elle ?
L'actuelle situation de Dominique de Villepin est le résultat du fait d'endosser depuis quelques mois des mauvais habits qui l'éloignent de la percée enregistrée l'an dernier à la même époque quand il était alors crédité de 7 à 8 % dans les intentions de votes.
Certes, il a subi un pilonnage incessant ces derniers mois. Mais comment expliquer l'actuelle situation ?
Dominique de Villepin s'est éloigné des fondamentaux qui avaient été le socle de son lancement sur 2009-2010.
Le 14 avril 2011 marque une étape de plus dans cet éloignement ou du moins dans les apparences.
L'opinion a aimé son décalage à une époque où le sarkozysme triomphant sévissait partout. Le 14 avril, date de la présentation de son programme, il est revenu à une présentation très classique : le choix de Paris et non pas d'une ville en région ou d'un quartier en souffrance, celui d'une conférence de presse et non pas une réunion avec des citoyens ouverte aux journalistes ââ¬Â¦
Pendant cette période (2008 à 2011), Villepin a représenté l'espoir d'une autre politique. Aujourd'hui, il représente la raison de mesures techniques souvent complexes, parfois même opaques à l'exemple de cette notion de "TVA 3E".
Dans ses épreuves personnelles (Clearstream 1), il a su parler à l'opinion avec émotion à l'exemple de sa déclaration avec toute sa famille à ses côtés. C'était alors la "victime symbolique du pouvoir", qui s'acharnait trop sur lui. Puis il est revenu discuter avec "ce pouvoir", parfois même lui trouver des qualités à l'exemple des dernières déclarations sur les interventions internationales de la France.
Ce fut aussi une époque où l'opinion a pu découvrir un responsable public humble, reconnaissant ses erreurs à l'exemple du CPE, pratiquant beaucoup le sourire et moins le coup de menton ââ¬Â¦ A ce moment, l'opinion a vu Dominique de Villepin sous un autre jour.
Avec le 14 avril, l'utilisation du "Je" à 33 reprises a beaucoup surpris.
La valorisation du bilan 2005-2007 a encore davantage étonné parce que si le bilan d'alors avait été aussi "bon", pourquoi l'opinion aurait-elle cautionné à ce point en 2007 la "rupture brutale" revendiquée par un membre de cette "équipe" ?
Mais surtout, pour l'opinion, Dominique de Villepin, c'est le retour à des idéaux.
Une image qui a pour socle le discours de l'ONU et que l'opinion rêve de voir appliquer à des questions intérieures pour retrouver ce modèle français d'un autre siècle, celui qui ne se résignait pas au déclassement généralisé, collectif comme individuel.
Mais voilà, le 14 avril 2011, le Président de République Solidaire propose comme idéal un ââ¬Â¦ "plancher" : le revenu citoyen.
Avant-hier, la question était souvent "comment tomber amoureux d'un taux de croissance ?". Aujourd'hui, l'opinion serait prête à tomber amoureuse d'un taux de croissance qui assure un bon niveau de l'emploi et une augmentation du pouvoir d'achat.
Mais comment tomber amoureux d'un filet de sécurité à 850 â⬠?
Comment comprendre que l'objectif n° 1 puisse être un "minimum de survie" ? Techniquement, cette mesure inquiète. Les financeurs y voient une "charité" de plus. Les bénéficiaires y décèlent des contreparties contraignantes.
Bref, la mesure supposée enthousiasmer pose problèmes. Cette mesure était nécessaire mais comme mesure première, il est possible d'en douter ?
La véritable mesure dans la compétition actuelle, c'est de permettre à chacun de devenir premier. C'est de rendre la force à l'ascenseur social, d'assurer le brassage des formations comme la mixité des profils.
C'est de proposer des citoyens au parcours atypique à la tête de grands ministères et non pas des technocrates présentés comme des hyper-managers qui n'ont pas fait leurs preuves hier compte tenu de l'état objectif du pays.
La véritable ambition collective, c'est d'ouvrir cette place des premiers à tous sans exception de sexe, de formation, d'origine, de religion, de quartier.
L'opinion n'accordera à Dominique de Villepin une chance pour 2012 qu'à une double condition.
D'une part, qu'il montre qu'il aime les gens. Qu'il connaît la vie quotidienne sous ses aspects les plus futiles. Qu'il parle du panier de la ménagère et moins des secousses de la planète. Bref, qu'il est "Dominique" et moins "de Villepin".
D'autre part, qu'il propose de l'espoir. 2012 ne sera pas droite contre gauche mais colère / espoir, revanche / avenir, peuple / élites.
Si l'ambiance reste à la colère et à la revanche, Marine le Pen fera un score record parce qu'elle "va jouer sur son terrain", "à domicile".
Si c'est l'espoir qui prend le dessus, les extrêmes retourneront vite à leurs scores habituels.
L'opinion est en panne d'espoir. La vie politique paraît en panne de vie. L'opinion n'attend plus des chiffres annoncés aujourd'hui puis défaits demain, elle aspire à voir que, même au pouvoir, des coeurs battent, qu'ils aiment, qu'ils sont prêts à mobiliser toutes leurs forces pour que demain soit meilleur pour tous et surtout pour les plus fragiles.
L'opinion a besoin de passion parce que la "raison" l'a trahie déjà tant de fois.
Elle a besoin d'énergies donc de sommets et pas de planchers.
Elle a besoin de souffle et plus de chiffres auxquels elle ne croit plus.
Elle a envie que les Français réinventent la France avec ses valeurs éternelles et ne soit plus ce vieux pays essoufflé qui a peur de tout, qui est au bord du gouffre financier mais qui ne le dit pas pour ne pas changer tant de droits acquis illégitimes qui pèsent sur les impôts donc le pouvoir d'achat de chacun.
L'opinion rêve de neuf et pour l'instant elle ne voit que des mesures ou des propositions déjà connues fut-ce sous d'autres noms, donc à ses yeux de "mauvais habits". Elle attend encore mais se prépare à s'en remettre à la seule colère même si elle n'ignore pas qu'elle pourrait pourtant se brûler les ailes ââ¬Â¦