Dominique de Villepin ou le choc entre l'héritier et le pirate
Alors que se calme la polémique sur l'annonce du faux retrait de Dominique de Villepin, ce nouvel épisode montre toutes les difficultés de l'ancien Premier Ministre à s'intégrer dans un cursus performant pour la présidentielle 2012.
De telles difficultés font apparaître des enseignements plus généraux dignes d'intérêt :
1) L'enjeu n'est pas le talent mais les sondages : le "talent" naît désormais des sondages. Si ces derniers donnent gagnant, l'opinion entoure de toutes les qualités l'heureux bénéficiaire. Si les sondages ne sont pas au rendez-vous, l'opinion se détourne. Villepin a cru au talent qui est incontestablement le sien tant intellectuel que physique. Il a sous-estimé les sondages.
2) Parce que l'étape des sondages est le préalable incontournable, l'année qui précède la campagne active devient décisive : c'est le nouveau calendrier. L'avant campagne conditionne la campagne électorale de façon déterminante. Or Dominique de Villepin, pour des raisons diverses, a raté son avant campagne et tout particulièrement le premier semestre 2011.
3) Les sondages frémissent par la plongée en régions davantage que par la présence sur les seuls plateaux médiatiques parisiens. C'est la plongée en régions qui permet de travailler en profondeur sur des indécis tout particulièrement qui demeurent sensibles au parcours initiatique du candidat et qui veulent "toucher la bête sur pied" comme cette tradition dans un pays aux racines rurales profondes.
4) Le rapport à la campagne présidentielle pour Dominique de Villepin était le choc entre l'héritier et le pirate. Dominique de Villepin rassemble toutes les qualités les plus performantes de l'héritier qu'un système de pouvoir peut générer, mettre en piste pour assurer sa survie et / ou sa continuité. Mais encore faut-il que ce système soit au pouvoir et qu'il soit populaire. Or, Dominique de Villepin ne pouvait incarner un système chiraquien qui n'était plus au pouvoir mais bien davantage dont le rapport actif / passif demeurait très contrasté à l'exception de l'affection pour la personnalité même de l'ancien Président. Il devait donc se comporter en pirate comme le fit remarquablement Nicolas Sarkozy de 2002 à 2007. Le pirate est celui qui prend le butin et qui effectue le tri avec la plus grande froideur. Villepin a été le rebelle mais pas le pirate qui veut déployer tous les moyens y compris la ruse pour parvenir à ses fins.
5) Dans l'épisode récent du "vrai faux retrait", le plus inquiétant a peut-être d'abord résidé dans l'indifférence de cette polémique auprès du grand public. Quand l'indifférence frappe à l'aube d'une campagne active, ce n'est jamais bon signe. C'est d'autant plus étonnant que la primaire du PS montre que la "vague 2012" sera probablement celle de la revanche des citoyens sur les appareils politiques désormais dépossédés de leur compétence à désigner les candidats. Or, cette tendance à la "mode citoyenne" face aux structures, Villepin l'avait bien identifiée en 2010. Comme quoi en effet, la sélection politique même au plus haut niveau n'est pas régie par l'échelle des talents.