Ségolène Royal prend le risque d'un ancrage à gauche coupable d'un véritable socio-séisme
La leader socialiste semble corriger le trouble de son démarrage de campagne en donnant à "gauche toute" le cap de sa nouvelle campagne. Tout est rouge désormais : des références aux mots choisis en passant par la couleur des tenues réléguant le blanc au vestiaire ... Un choix risqué.
Alors même qu'elle incarnait un "nouveau socialisme" plus réaliste, la candidate socialiste prend le risque d'un ancrage à gauche qui pose de nombreux problèmes à terme et tout particulièrement en cas de victoire.
La situation actuelle est trompeuse.
Sur le plan brut global, l'élection paraît serrée. En réalité, ce résultat national repose sur des résultats particulièrement clivants au niveau des différentes catégories électorales concernées.
Trois lignes profondes de frontières se sont créées :
* celle de l'âge : les moins de 45 ans soutiennent massivement Ségolène Royal tandis que les plus de 45 ans, et tout particulièrement ceux de plus 65 ans, soutiennent massivement Nicolas Sarkozy,
* la seconde ligne de frontière est celle des revenus,
* la troisième ligne de frontière est celle de l'appartenance au secteur d'activités : secteur privé ou secteur public.
Si le résultat global est serré, à l'intérieur de chacune de ces trois catégories les différences sont considérables.
L'élection se joue sur du 60/40 au minimum.
De manière très étonnante, la ligne de frontière en ce qui concerne les jeunes et les personnes âgées ne recouvre pas des différences fondamentales sur les attentes concernant les tendances du monde futur.
A part la question de la fiscalité, il en est de même en ce qui concerne la situation au niveau des revenus.
Dans ces deux cas, les clivages interviennent plus sur des considérations de profils de personnalités des candidats en présence.
En revanche, en ce qui concerne les relations entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public ; ce sont de vraies divergences sur des choix fondamentaux d'organisation collective.
Il y a véritablement l'émergence de deux univers culturels particulièrement différents qui ont un rapport opposé à la grande question du moment : la précarité.
Plus ces univers culturels vont s'éloigner, plus la compatibilité concernant un certain nombre de mesures pratiques sera difficile à assurer.
C'est probablement l'enjeu sociologique numéro 1 de la prochaine présidentielle que de créer les conditions d'une meilleure compréhension entre ces deux univers pour éviter une ligne de fracture qui serait particulièrement dure à gérer ultérieurement quel que soit le pouvoir issu des urnes en mai 2007.
L'importance de cette cassure est un réel socio-séisme. S. Royal, pour relancer sa campagne, reprend des thèmes soudant l'électorat de gauche dans des conditions probablement très difficilement applicables ultérieurement. Elle fait du "Fabius" alors que la seule voie sérieuse à terme est celle du contenu des propositions de Strauss Kahn. C'est un énorme risque à terme.