Dominique de Villepin et le trouble de l'union nationale
L'actuel discours de Dominique de Villepin sur l'impératif d'union nationale donne prise manifestement à deux grilles de lectures.
Soit il s'agit de préparer le ralliement conditionnel à une nouvelle majorité présidentielle. L'union nationale est le thème de la salle d'attente avant d'identifier ou d'exprimer l'évènement qui sera l'électochoc pour définir le nouveau périmètre de cette majorité. Mais cette logique est surprenante à moins de 6 mois du premier tour d'une élection présidentielle où la volonté d'union doit d'abord résulter de l'expression des urnes. La rencontre des partis peut se concevoir dans un calendrier éloigné d'une consultation populaire. Mais à moins de 200 jours d'un vote présidentiel, l'union nationale n'est-elle pas d'abord celle qui va résulter de l'expression des urnes et de la volonté du contrat alors manifestée ?
Soit il s'agit de préparer ses troupes à sa non candidature par une "éthique du devoir" qui se répand beaucoup actuellement dans le discours politique français. L'union nationale passerait alors d'abord par la non division.
En France, ce qui est important sur le plan moral, c’est moins de respecter la loi faite pour tous que les lois que chacun s’est fait pour lui-même parées du nom de principes. Ces principes donnent alors naissance à une sorte de code des devoirs individuels.
Il y aurait ainsi deux sortes de « lois ».
La « loi extérieure » qui s’impose à tous. Cette loi peut être malmenée sans que cela ne suscite de trop grande réprobation morale.
A côté, voire même en complément, intervient une sorte de « loi intérieure » non écrite qui est constituée par l’ensemble des principes que chaque individu considère comme constituant son code de vie.
Prenons l’exemple du fonctionnement des services publics. Un agent d’un service public est plus affecté si vous mettez en cause son sens de l’honneur professionnel personnel que le respect du règlement. Un agent de la SNCF vous explique que le train doit arriver à l’heure non pas parce que le règlement lui impose dans le contrat passé avec les usagers mais parce que le conducteur en question serait à ses propres yeux indigne de sa réputation si tel n’était pas le cas.
C’est cette conception singulière de l’éthique du devoir.
Elle se retrouve tout particulièrement dans le personnel politique. Il s'édicte à un moment donné un code de comportement parfois très ponctuel comme actuellement la lutte contre les déficits publics.
Dominique de Villepin semble s'édicter comme devoir prioritaire celui de l'union nationale. Mais l'union nationale peut-elle être une fin en soi en l'absence d'un contenu qui soit une colonne vertébrale partagée ?
Bien davantage, cette proposition ne remet-elle pas dans les mains du "système" une sortie de crise que l'opinion veut se ré-approprier ?
Cette place nouvelle à l'impératif absolu d'union nationale dans l'actuel calendrier présidentiel mérite un examen attentif car elle semble davantage un moyen que la fin officiellement affichée.