Nicolas Sarkozy et la campagne à inventer
Les tournants d’âges de communication se produisent de façon parfois brutale mais surtout inattendue induisant des secousses profondes.
Ce fut le cas en 1965. L’ élection présidentielle a marqué l’émergence de la télévision. Elle a désacralisé le pouvoir présidentiel jusqu’alors magnifié par la place de l’imaginaire laissée par la radio. Elle assura l’éclosion immédiate de nouveaux talents dont Jean Lecanuet et François Mitterrand. Le résultat : un ballottage qui était totalement inattendu et imprévu.
Second tournant : 1974. Lors de cette élection, Valery Giscard d’Estaing met en place une 1ère campagne « people » avec l’exposition inhabituelle à cette époque de l’épouse comme des enfants de l’un des candidats. C’est aussi une campagne qui, par la médiatisation croissante, fait la décision. Elle marque une inversion des tendances entre les intentions de votes de départ de Jacques Chaban Delmas et de Valéry Giscard d’Estaing par rapport aux résultats d’arrivée.
Si la campagne de 1965 désacralisait, celle de 1974 faisait la différence. Il en fut de même en 1981. Les campagnes de 1988 puis 1995 vont confirmer leurs espaces de décisions avec l’amplification de questions purement d’actualité. Il en fut de même en 2002 qui s’est avérée une campagne sans spécificité novatrice.
Le résultat de Lionel Jospin en avril 2002 est certes le fruit de l’éclatement des « paroles de gauche » mais n’est-il pas aussi, pour une part au moins équivalente, le résultat des situations suivantes :
- une annonce de candidature particulièrement mal maîtrisée avec un fax envoyé à la sauvette et un candidat qui longe les murs en quittant son appartement,
- la mise en cause de l’âge du Président sortant dans des conditions qui ont pour premier effet de le dynamiser sur le plan personnel et de le rendre sympathique auprès de nombreuses couches électorales.
2007 a ouvert un nouvel âge dans la communication publique française.
Pour être fondatrice d’un nouvel âge, cela signifie qu’une nouvelle communication doit naître et doit rencontrer l’adhésion en profondeur des citoyens qui s’avèrent ainsi non seulement prêts mais surtout réceptifs à cette nouvelle façon de communiquer.
C'est ce qui est arrivé en 2007 : Nicolas Sarkozy a transformé l'énergie en campagne, faisant la météo quotidienne.
Pour l'instant, rien n'annonce une "campagne tournant" en 2012.
Si François Hollande reste sur son actuelle ligne stratégique, il va incarner de façon caricaturale la démarche classique d’un parti politique connue de 1981 à 2002.
Les autres candidats n'ont pas véritablement démarré.
La "campagne tournant" 2012 reste donc à inventer. Après 1965, 1974, 2007, ce serait le quatrième âge de la communication politique sous la Vème République. Mais pour l'instant rien n'annonce un nouveau style de campagne. C'est toujours morne plaine.