Dominique de Villepin et l'élection des tempéraments
L’opinion publique a beaucoup évolué ces dernières années. Elle ne lit plus l’avenir dans les programmes mais dans les tempéraments des candidats. Le statut du programme est donc totalement modifié.
Trois évolutions majeures ont marqué l’opinion publique ces dernières années.
Tout d’abord, l’émergence d’un besoin de pragmatisme. Il aura fallu deux décennies pour que les Français acceptent de voir la France telle qu’elle est, en crise, avec ses faiblesses et ses atouts, ses difficultés et ses richesses.
Dans un premier temps, ce pragmatisme s’est traduit en négatif par le refus des idéologies de toute nature et de tout bord. Les partis politiques et, d’une manière générale les institutions, ont fait les frais de cette désaffectation.
Deuxième évolution, la disparition des « nouveaux gourous ». L’opinion publique n’a plus de directeurs de consciences, véritables maîtres à penser susceptibles d’incarner les valeurs fortes de la société à un moment donné. Chacun se fait son idée et assume cette « solitude de choix » devenue une forme de reconnaissance de maturité et de liberté.
Troisième évolution de fond, l’émergence d’une « France modérée ». Une France qui n’escompte pas de miracle mais souhaite une gestion efficace, qui se défie du socialisme mais n’entend pas renoncer à sa protection sociale, qui espère toujours mais ne rêve plus. En conséquence, plus que jamais, c’est affaire de style, de tempérament, de façon d’être des hommes politiques en présence.
Un ancien Président de la République insistait en indiquant : « le style n’est pas une apparence. C’est l’apparition en surface de la nature profonde des êtes et des choses ».
Dans ce contexte, la présidentielle 2012 n'a pas encore débuté. Il faut attendre l'accélération des évènements, celle des attaques, celle des comparaisons pour que l'opinion puisse se faire plus facilement une idée sur le tempérament des candidats davantage que sur la faisabilité d’une mesure perdue dans la liste d’un programme de priorités.
Les distorsions seront alors fortes et implacables. Eva Jolyu est la première victime de cette logique. Son score ne traduit pas l'influence des Verts mais un divorce entre l'opinion et le style de la candidate.
C’est une étape supplémentaire dans l’évolution connue par la vie publique française vers une logique à l’anglo-saxonne.
Même si cette évolution n’est pas exempte de graves dangers, elle est désormais bel et bien là.
C'est tout l'enjeu de la démarche de Dominique de Villepin : être sur la ligne de départ quand les Français vont tester les nerfs des candidats, leurs ressorts profonds et, dans la réactivité imposée, leur véritable naturel.
C'est ce que montre d'ailleurs l'actuelle primaire américaine de façon caricaturale. Dans le feu de l'action, l'opinion élimine. Et il s'agit de traverser ce parcours du combattant en révélant la réalité de son tempérament : Bachmann, Perry, Cain et Gingrich viennent de passer sur la touche parce que leurs réactions ont déçu, choqué, inquiété.
En France, ce parcours de la sélection n'a pas encore débuté. Les actuelles intentions de votes relèvent donc davantage de la simple cotation de départ que de l'estimation de l'arrivée. Plus le cap de la crise sera le cap imposé pour tous, plus cette sélection sera implacable.
Ainsi, 2012 sera d'abord l'élection des tempéraments. Mais, avec beaucoup de réalisme, l'opinion considère que cette élection là n'a pas encore débuté. Dès les premiers chocs, les évolutions s'accélèreront et s'amplifieront.