Dominique de Villepin et le retour à l'impersonnalité du discours
La période présente est celle de la fin de l’impersonnalité du discours.
Puisque celui qui me parle n’appartient plus à une élite crédible pour me dire de quoi demain sera fait ni pour apporter les réponses aux problèmes du présent qui le rendent manifestement impuissant, celui qui parle doit démontrer que sa vie personnelle porte suffisamment d’expériences multiples pour lui permettre de comprendre la diversité des situations susceptibles d’affecter autrui.
C’est la nouvelle proximité.
La tradition du discours français reposait sur l’intellectualisation. Comment intellectualiser ce que l’on ne connaît pas car l’avenir est perçu comme inconnu ?
Les citoyens s’en remettent moins aux mots. Ils aspirent à connaître l’identité de l’individu : ses expériences c'est-à-dire son histoire, ses échecs, ses succès, sa façon de vivre.
Tout ce qui « impliquant » et qui permet de se faire une idée sur un être.
Il importe donc de répondre à cette attente.
La conception péjorative de cette évolution consiste à la qualifier « d’infos people ». La réalité, c’est que le citoyen attend un nouveau style d’expression et de communication qui lui permette de mieux connaître celui qui le représente ou qui aspire à le représenter. C’est une revendication de sens au-delà des « discours officiels ».
« Par sa vie, cet individu peut-il comprendre la mienne, mes questions, mes doutes, mes aspirations ? » : c’est ce rapport impliquant qui est attendu.
Dans un monde complexe et contradictoire, cette observation est un vrai facteur d’explication d’un être que les citoyens cherchent à d’autant plus comprendre que les idéologies sont vides de sens.
Il n'y a d'ailleurs que peu de hasard dans les chiffres.
En pleine tourmente de Clearstream, Dominique de Villepin était à 8 % dans les sondages. Il "mouillait" la chemise, prenait des coups, les rendait, serrait les coudes avec toute sa famille à ses côtés. Il donnait le sentiment de jouer son honneur et le feuilleton Clearstream parlait à l'opinion qui découvrait des nouveaux tempéraments.
Actuellement l'ancien Premier Ministre est revenu à l'expression du "grand oral" de l'ENA avec une pointe de détachement ou d'ironie qui ajoute de la distance à la distance.
Aucun présidentiable français n'est encore parvenu à sortir de l'impersonnalité des discours. C'est aujourd'hui la différence majeure avec l'approche américaine. C'est la vie par le discours qui permet l'implication : parler de sa vie pour parler de la vie des autres.