Nicolas Sarkozy et le "tournant du débat du lundi 10 mars 2003"
S’engager dans la vie publique, c’est s’exposer à des attaques. Il importe donc d’évoquer comment gérer ces attaques. Bien sûr, il n’y a pas une situation unique mais presque autant de méthodes que de situations précises.
La situation actuelle de Nicolas Sarkozy présente, pour des facteurs différents, une situation assez comparable à celle de Tony Blair en 2003 : le rejet d'un style, d'une personnalité bien davantage que le refus d'une politique. Sarkozy serait bling bling comme Blair était devenu "menteur" avec l'Irak. Ils ont perdu en "audibilité".
En 2003, un ancien directeur du Times a vécu plusieurs semaines aux côtés du Premier Ministre britannique pendant ladite période. Le tournant fut un débat télévisé le lundi 10 mars 2003. Ce jour là Tony Blair doit participer à un débat organisé par la chaîne Independant Television. Ce débat l’amène à rencontrer des femmes opposées à la guerre.
C’est la première étape de ce que l’équipe du Premier Ministre a baptisé « la stratégie du masochisme ». Pour préparer ce débat raconte le journaliste, le Premier Ministre réunit sa proche équipe de collaborateurs et écoute le portrait de chacune des personnes pressenties.
Il a face à lui des martyrs potentiels : compagnon décédé en Irak, mari mort dans l’attentat de Bali et pourtant opposée à la guerre, une autre dont l’époux sert alors de bouclier humain dans l’une des centrales électriques de Saddam…
Tony Blair entre dans le studio et il est assailli par des questions violentes, terriblement violentes.
Sur un ton très modéré, il commence chacune de ses réponses par un « je sais bien que je ne vais pas vous faire changer d’avis, mais... » et il expose alors ses arguments.
A la fin du débat, c’était lui le martyr et l’opinion publique bougeait en sa faveur, prenant la défense d’un leader qui refusait la politique du bunker et qui avait ainsi le courage de s’exposer aux foudres de ses ennemis.
Ce lundi 10 mars fut un véritable tournant.
Cette « stratégie du masochisme" consiste à pousser autrui à la faute en en faisant « trop ». L’opinion prend alors la défense de celui qu’elle estime exagérément critiqué.
Bien plus qu'une délicate confession d'excuses, Nicolas Sarkozy pourrait probablement vivre un retournement de l'opinion en s'exposant ainsi à un "débat du 10 mars 2003" poussant à l'attaque de trop ...