Présidentielle 2012 et le nouveau temps de l'information
A la sortie de la présidentielle française, l'ampleur du fossé qui sépare désormais l'opinion et les médias s'est considérablement renforcée. La confiance est cassée !
Deux différences majeures existent entre la presse américaine et la presse française. La presse américaine est très orientée sur les faits. La presse française interprète les faits. Par cette approche, la presse française peut donc être vite en porte à faux.
Seconde différence majeure, un ouvrier doit pouvoir lire le New York Times ou Newsweek. En est-il de même en France pour Le Monde ou le Nouvel Observateur par exemple ? La presse américaine se veut «inclusive» c'est-à-dire impliquante pour le plus grand nombre. La presse française se revendique presque officiellement comme élitiste. Là aussi, dans l'ambiance actuelle, c'est un creuset manifeste pour des difficultés puisque la presse incarne un "corps très critiqué" (l'élite).
Ces deux préalables effectués, deux autres questions occupent une place importante :
- les faveurs de la presse peuvent-elles faire élire un candidat ?
- la presse a-t-elle rompu l'équité de traitement ?
Sur le premier point, aux Etats-Unis davantage que partout ailleurs, il n’y a pas une presse centralisée mais une multitude de supports avec des tonalités locales parfois fortes.
Cette diversité modère déjà beaucoup la réalité de l’influence.
La situation est toute différente en France avec une situation locale de monopoles généralisés.
Pour autant, toutes les études montrent que la presse dispose d’un pouvoir d’influence mais pas d’un pouvoir d’élection. Ce sera encore davantage le cas en France avec l'érosion considérable de la presse quotidienne régionale désormais réduite à de très faibles tirages avec un potentiel de lecteurs très ciblés (les seniors).
Mais il y a un facteur nouveau qui a joué un rôle très important dans la présidentielle 2012 : la course à l'audience pour ne pas être débordé par le web pousse la presse classique à une sorte de poker permanent consistant à «doubler la mise en permanence» :
- un concurrent traite son opposant «d’idiot». Ce dernier doit répliquer que le premier est «un triple idiot»,
- puis, il est alors naturel que le premier attaquant traite son concurrent «d’escroc». Ce dernier doit alors l’accuser à son tour de «voleur»,
- enfin, il est naturel de considérer que, face au flux des accusations, le premier traite son concurrent de «menteur» mais alors ce dernier devra répliquer que le premier est «un menteur pathologique».
Ces étapes sont la surenchère classique de tout débat où il en faut désormais beaucoup pour que l’exagération puisse disqualifier.
La seule limite à une attaque est de ne pas délivrer une agression qui puisse rendre l’adversaire sympathique.
Les médias américains sont friands de ces excitations. C’est l’élément qui fait vendre et qui assure l’audience. Il y a donc une recherche permanente du sensationnel et de l’inédit.
Avec la présidentielle 2012, la presse classique est entrée dans ce rythme. L'opinion a considéré qu'elle ne traitait pas alors les candidats à "égalité". Un discrédit était déjà né.
Cette ambiance ponctuelle, inhabibuelle à ce point, a amplifié les fossés entre l'opinion et les médias classiques.
Il reste à surveiller si c'est maintenant de façon durable.