France : le pays qui a tué l'affichage politique
Pendant des décennies, les affiches ont été les produits phares des campagnes électorales.
Les affiches 4mx3m pouvaient quadriller un territoire et faire naître un message en quelques jours. Des affiches dites militantes d’un plus petit format assénaient le même message ou le complétaient très utilement.
Les années 80 fourmillent d’affiches célèbres qui ont indiscutablement marqué la campagne électorale concernée.
Souvenons-nous :
- septembre à novembre 1985, la campagne « vivement demain » du RPR au moment du lancement des législatives de 1986,
- décembre 1985, la campagne « au secours la droite revient » destinée à casser la dynamique créée par la campagne d’affichage ci-dessus citée.
Sur le plan local, des campagnes d’affichage ont constitué des tournants majeurs :
- en 1983, Alain Carignon a été le 1er à mettre en application une campagne d’affichage qui devait modifier en profondeur sa notoriété comme son image de marque,
- Georgina Dufoix inventa en 1986 une communication émotionnelle très forte chevauchant dans les plaines du Gard en affirmant « le cœur battra toujours à gauche ».
L’affiche a tellement gagné ses lettres de noblesse à cette époque qu’un livre a même été consacré à cette technique de communication sous le titre expressif de « la politique à l’affiche » (octobre 1986).
Mais depuis cette époque des années 80, beaucoup de choses ont changé radicalement.
La législation sur le financement des campagnes est passée par là modifiant significativement les montants des dépenses.
Bien davantage, l’affiche a désormais « mauvaise presse » incarnant la publicité agressive.
La formule minimaliste est celle de l’affiche officielle. Intervenant en fin de campagne électorale, par définition, elle ne peut créer une notoriété ou une image.
Bien plus, elle doit être douce et rassembleuse parce qu’elle accueillera les derniers regards sur le chemin des bureaux de votes.
La fonction moyenne qui peut désormais être dévolue à l’affiche est d’accompagner un message. Elle demeurera un vecteur de « popularisation » de messages nés ailleurs. Mais l’affiche se croise au hasard des rues matin, midi et soir. Elle reste donc encore l’aiguillon irremplaçable de proximité.
La formule optimale réside dans des campagnes nobles de communication publique en dehors des campagnes électorales. Parce qu’elle a acquis une réputation de « pub onéreuse et agressive », l’affiche garde ses lettres de noblesse dans la conquête « des marchés extérieurs ».
La Région Pas de Calais a promu « l’enfer du Nord » dans des conditions qui, à cette époque, ont fondamentalement changé l’image de cette région.
L’espace de cette dernière catégorie d’affiches est devenu très restreint quittant même parfois les bords de rues pour prendre place dans des lieux stratégiques de services publics dont les gares.
Les dix dernières années ont donc conduit à un repositionnement des affiches comme produit de communication.
Si la France suit le même chemin que celui d’autres démocraties plus avancées dans la communication publique (Etats-Unis, Grande Bretagne), l’affiche risque de devenir un produit marginal d’accompagnement.
Ses heures de gloire sont celles d’une autre époque.
Pour la France, c'est surtout un marqueur de plus d'une législation sur les campagnes électorales totalement dépassée par les évolutions.