Jean François Copé et la course nouvelle au drapeau bleu blanc rouge
Dans beaucoup de pays, le débat Français habituel sur la place du drapeau national serait incompréhensible.
Si ce débat existe dans des conditions de ce type dans le débat politique Français, c'est que le drapeau pour un Français ne représente pas la même chose que le drapeau Américain pour un citoyen Américain par exemple.
Dans l'esprit des Français, le drapeau bleu blanc rouge signifie certes l'appartenance à la nation Française mais il évoque aussi d'autres valeurs.
En effet, pendant de très nombreuses décennies, le drapeau tricolore s’est opposé à d’autres drapeaux. Ce fut le cas au 19ème siècle face au drapeau blanc des royalistes. Ce fut le cas aussi au 20e siècle face au drapeau rouge des socialistes et des communistes.
C’est ainsi que le drapeau tricolore ne semble pas seulement vouloir dire «France». Il semble également vouloir dire «République libérale». Si bien que le groupe n’a pu se mobiliser pour partager le drapeau national par la totalité des composantes de la République Française.
A chaque révolte, les contestataires exhibent d’autres drapeaux que le drapeau bleu blanc rouge qui devient alors souvent le symbole de l’union contre la révolte comme ce fut le cas de façon emblématique lors de la contre-manifestation de 1968 face aux étudiants qui brandissaient des drapeaux rouges.
Cette situation est surprenante car lorsqu'il est placé sur les édifices publics le drapeau Français est par définition un drapeau «politiquement neutre».
Mais c'est une approche qui ne correspond pas à la tradition culturelle Française.
C’est ce qui explique que le drapeau bleu blanc rouge soit, par exemple à la différence du drapeau Américain, aussi peu présent dans les propriétés privées.
La culture Française est fortement orientée vers le symbolique.
Ces 30 dernières années, ce symbolique national est apparu sur la défensive. Il a subi de multiples assauts d’une culture mondiale scientifique, technologique, médiatique. Ces assauts ont affaibli les références symboliques traditionnelles de la France. L'école a mis l'accent sur des matières sans contenu symbolique : mathématiques, sciences économiques, informatique…
L’école a accepté la diminution de la place des matières à fort contenu national : littérature, histoire, géographie. Dans le même temps, les symboles religieux traditionnels ont perdu de leur importance. Un grand nombre de jeunes de parents immigrés ont considéré ne plus avoir à transmettre l'héritage symbolique Français.
La rencontre de tous ces mouvements a placé l'ensemble du dispositif symbolique politique Français dans une situation particulièrement précaire.
Il a fallu attendre la campagne présidentielle 2012 pour que Nicolas Sarkozy accorde une place aussi forte, quasi omni-présente au drapeau bleu blanc rouge lui donnant une autre symbolique.
Cette identité Française et ce drapeau sont alors devenu des formes d'opposition à la décadence, en défendant la culture contre les formes d'offensives préalablement exposées.
Ils deviennent ainsi des «monuments» que les citoyens aspirent à voir s’installer dans des positions fortes qui dépassent les différents clivages politiques ou temporels.
Le drapeau devient ainsi une expression de révolte face à une menace désormais jugée intolérable sur l'identité française. C’est une composante qu'il importe d'intégrer pour ne pas faire naître ou pire accentuer le fossé qui pourrait exister entre l'opinion publique et son système de représentation dans une période particulièrement difficile puisque la crise ébranle les repères traditionnels.
Au moment de la primaire UMP, c'est probablement cette symbolique qui peut changer les lignes à l'intérieur même de cette formation politique.
Une nouvelle course au drapeau bleu blanc rouge peut naître et vivre comme cause ultime qui dépasse les divisions ponctuelles internes. Comme histoire et modèle d'un devenir menacé. C'est peut-être la scénarisation de cette course qui peut être le joker de Jean François Copé face à un positionnement plus modéré de François Fillon et redistribuer ainsi les "cartes" dans les mentalités.
La bataille UMP deviendra-t-elle la course nouvelle au drapeau bleu blanc rouge comme bataille de l'héritage le plus visuel de la campagne Sarkozy 2012 ?