François Hollande confronté à l'antimilitarisme de la gauche
Selon un sondage Ifop / Acteurs Publics : « Observatoire des politiques publiques - Les Français et la politique de Défense nationale », alors que l'intervention militaire française au Mali s'avère soutenue par une large majorité de la population, et que le Livre Blanc de la Défense est très attendu par nombre d'observateurs, l'Ifop a réalisé pour Acteurs Publics une enquête sur les perceptions des Français quant à la Défense Nationale et aux politiques publiques en la matière.
Les sommes annuellement dédiées par la France à sa Défense en font le troisième budget de la Nation.
Les Français se montrent très partagés sur la capacité de l'Etat à bien gérer ces dépenses importantes : 49% estiment ainsi que l'argent public consacré à la Défense nationale est utilisé de manière efficace, une proportion comparable (51%) considérant l'inverse. Pour nuancer ce constat pouvant paraître sévère, relevons que le jugement des Français sur l'efficacité de la dépense publique est généralement assez dur (une étude réalisée en janvier, posant la même question au sujet de la politique du logement, ne donnait que 18% d'interviewés pensant que l'utilisation des fonds en ce domaine était efficace).
Notons enfin que les perceptions ont peut-être évolué sous l'effet de la guerre au Mali : un sondage de l'Ifop mené en mars 2012 montrait en effet qu'à l'époque, le budget de la défense arrivait en tête de ceux que les Français souhaitaient voir réduits dans le cadre de la baisse des dépenses publiques.
Dans le détail, les plus âgés se montrent les moins critiques (66% des 65 ans et plus considèrent que la dépense est efficace, contre 42% seulement des moins de 35 ans), de même que les CSP+ (56% des cadres supérieurs et professions libérales, contre 40% des ouvriers). Le clivage politique sur cette question se montre relativement peu marqué : 49% des proches de la gauche (57% des sympathisants PS) et 57% des proches de la droite ont un jugement positif.
Du point de vue des priorités affectées par les Français à la politique de Défense, il apparait clairement que la protection des intérêts vitaux du pays (52% de citations) continue d'en constituer la pierre angulaire. Vient ensuite (32%) la participation à la stabilité et à la protection du territoire européen).
Ces deux dimensions sont largement privilégiées à celles intégrant une projection extérieure des forces françaises : 13% seulement des personnes interrogées évoquent l'envoi de forces d'intervention humanitaire à l'étranger, et 3% une participation à des conflits hors du territoire national. Au total des réponses, ce dernier axe n'est mentionné que par 10% des interviewés, un taux très bas, en particulier si l'on tient compte du contexte actuel marqué par le soutien de l'opinion à l'intervention française au Mali. Il est frappant de constater que la mission européenne attribuée à la politique de défense française n'est mentionnée que par 25% des plus jeunes, et que ce sont surtout les personnes âgées (38% des 65 ans et plus) qui l'évoquent. Autre clivage manifeste : 23% des proches de la gauche citent l'intervention humanitaire à l'étranger, contre 6% seulement des sympathisants de droite.
S'agissant enfin des pistes des recommandations possibles du Livre Blanc, les personnes interrogées montrent un attachement tant à la rationalisation des dépenses qu'à la modernisation de l'armée. Ainsi, au chapitre d'une optimisation du fonctionnement de l'armée (et donc d'une meilleure utilisation des sommes qui y sont consacrées), 90% adhèrent à l'idée d'une collaboration plus intense avec les armées européennes, 79% considèrent qu'il est nécessaire de réviser la politique d'intervention extérieure de l'armée française et 64% souhaitent qu'on réduise les implantations hors territoire national et qu'on continue de fusionner les bases existantes.
Le jugement est plus mitigé en ce qui concerne l'externalisation de certaines fonctions auprès du secteur privé (56% pensent qu'il faut l'intensifier, 44% sont d'un avis contraire), et nettement plus encore s'agissant de la réduction des coûts via la baisse des effectifs de l'armée (45% seulement d'adhésion), signe certainement de l'impact du conflit malien sur les représentations des Français quant à l'utilité d'une force armée suffisamment nombreuse. Les efforts d'adaptation sont largement mis en avant : 80% des interviewés sont d'accord pour engager une modernisation des équipements de l'armée, et 83% pour soutenir l'industrie française de Défense.
On relèvera sans véritable surprise que sur ces sujets, les sympathisants de gauche, et surtout d'extrême gauche, fidèles à une tradition antimilitariste, se montrent moins favorables que la moyenne aux réformes ayant pour objectif de renforcer numériquement et qualitativement l'armée, alors que le soutien est nettement plus appuyé à droite, surtout parmi les proches du Front National.