84 % des Français jugent que la situation de la délinquance s'aggrave
Selon un sondage Ifop pour Ouest France, 84% des Français estiment que la délinquance a augmenté au cours des derniers mois. Ce résultat, très élevé, est d’autant plus spectaculaire qu’il s’inscrit dans un mouvement interrompu de hausse.
Ainsi en février 2007, soit quelques mois avant la précédente élection présidentielle, « seuls » 43% des Français partageaient ce constat. Leur proportion est ensuite passée à 59% en juillet 2010 (au moment du fameux discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy) puis à 72% en novembre dernier, quelques mois après la victoire de François Hollande.
Tout se passe donc comme si la société française ressentait une montée inexorable de la délinquance que ni la droite, ni la gauche n’était en mesure d’endiguer.
Il semble même que le sentiment qui prédomine est celui d’une accélération du phénomène puisque l’essentiel de la hausse a été enregistré sur l’item « a beaucoup augmenté » qui est passé de 21% en février 2007 à 32% en juillet 2011 puis à 45% en novembre 2012 avant de culminer à 55% en septembre 2013.
Cette perception d’une « explosion de la délinquance » est renforcée par le fait que les résultats dans les départements les moins criminogènes sont très proches de ceux observés dans les départements où la délinquance est objectivement élevée voire très élevée. De la même façon, on constate assez peu d’écarts selon les générations ou entre les hommes et les femmes comme si un consensus se faisait sur la réalité perçue de ce phénomène inquiétant.
On notera néanmoins que les milieux populaires ressentent nettement plus une forte augmentation (61%) que les cadres supérieurs (41 %).
De même, c’est dans l’électorat de gauche que l’idée d’une hausse de la délinquance a le plus progressé par rapport à novembre dernier (+20 points, contre +9 points chez les sympathisants UMP). Certes, les sympathisants de l’UMP étaient déjà préalablement très sensibles à cette question mais cette forte hausse à gauche devra sans doute interpeller le gouvernement.
Quand on met en regard l’évolution perçue de la délinquance avec une question plus objective sur l’exposition réelle à des faits de délinquance un paradoxe se fait jour, il ne s’agit que d’une contradiction en partie apparente. Ainsi, si 84% des Français perçoivent une augmentation de la délinquance au cours des derniers mois et que cette perception n’a cessé de gagner du terrain ces dernières années, la proportion de personnes déclarant avoir été victimes d’actes de délinquance est pour autant restée stable voire à baisser depuis 11 ans .
Ces évolutions « objectives » en baisse ne correspondent donc pas à la perception très majoritairement répandue d’une véritable explosion de la délinquance.
Comment alors expliquer ce décalage ?
On peut d’abord sans doute avancer l’hypothèse que le ressenti d’une hausse de la délinquance par la population se nourrit fortement de la multiplication des braquages et des règlements de comptes très médiatisés qui renvoient l’image d’un déchaînement de violence sans limite et sans précédent.
Deuxième élément, si les cambriolages et surtout les vols semblent toucher moins de Français qu’il y a une dizaine d’années, les agressions physiques se maintiennent à un niveau élevé (9% aujourd’hui contre 8% à l’époque) et les agressions ou les menaces verbales se sont très largement généralisées : 41% aujourd’hui contre 23% en 2002, soit une progression très importante.
Ces faits contribuent très fortement à tendre le climat quotidien et donnent l’impression d’une société où la violence se serait banalisée et où elle existerait partout à l’état plus ou moins latent, prête à exploser pour un regard appuyé ou une parole déplaisante.
Enfin le dernier élément permettant de faire le lien entre délinquance objectivement vécue et sentiment d’une large diffusion ces dernières années réside dans un effet cumulatif.
Si le pourcentage de victimes de vols ou de cambriolage n’a pas progressé en onze ans – il a même plutôt décru –, de tels évènements marquent les victimes et leurs entourages pendant de longues années : le fait qu’environ 10% des Français soient victimes de cambriolage sur un intervalle de deux ans et ce, depuis de nombreuses années, a ainsi abouti au total à une proportion de Français touchés sur dix ans tout à fait considérable.
Source : note technique Ifop pour sondage Ouest France.
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