Grenoble : Eric Piolle et le défi de l'écologie au quotidien
Sans peut-être l'imaginer (ou le vouloir ?) à ce point, les habitants de la Capitale du Dauphiné vont vivre une forme d'expérimentation inédite : où est la valeur ajoutée d'une municipalité écologiste dans l'une des 20 villes les plus importantes de France ?
Dans les années 70, l'écologie a pris naissance à partir d’auteurs se revendiquant d’une nouvelle «grille d’analyse».
L’un de ces auteurs était Philippe de Saint-Marc qui dans les années 70 était le pionnier de l’écologie.
Ancien Président de la Mission d’Aménagement de la Côte Aquitaine, Professeur du 1er cours sur la politique de l’Environnement à l’IEP de Paris, auteur d’un best seller ayant pour titre « Socialisation de la nature ».
Le retour aux concepts alors développés traduit l’immensité de l’échec des Verts.
Que développaient les écologistes à cette époque ?
Leur analyse était simple : les critères traditionnels habituellement utilisés comme le PNB, le niveau de vie, la consommation d'énergie, la production industrielle ou agricole devaient être considérés comme des signes de l'activité et non pas des marques de satisfaction.
Dés cette époque, être écologiste, c’est défendre l’idée que la société telle qu’elle fonctionne n’est pas une société de progrès mais une société de régression parce qu’elle porte en elle un gaspillage massif, intensif et croissant de l’homme.
Ce militantisme conclut à l’autodestruction puisque l’homme est atteint dans ses trois aspirations vitales :
- être,
- se réaliser,
- fraterniser.
Face à ce constat, les auteurs de l’époque revendiquent trois modifications dans la politique conduite :
- la mise en œuvre d’une politique de l’aménagement du temps comportant une meilleure organisation du temps de travail de nature à ouvrir d’autres temps individuels,
- une politique d’aménagement de la terre qui soit plus économe et plus respectueuse des équilibres naturels,
- une politique des relations humaines favorisant un foisonnement des vies communautaires.
Avec cet ancrage conceptuel, les écologistes n’ont pas vocation à offrir une alternance dans un même système mais une véritable alternative pour un autre pouvoir.
Mais, progressivement, les écologistes se sont inscrits dans la bipolarisation classique du régime de la Vème République. Ils ont perdu en originalité de pensée pour rejoindre la grille de lecture socialiste et s’inscrire dans son schéma relativement homogène.
Effectuant ce pas, les Verts se sont intégrés comme une composante de l’élite politique nationale et locale et sont donc devenus une composante, comme les autres, d’un système politique dont ils prétendaient pourtant fondamentalement récuser les critères fondamentaux.
Après avoir accepté des « règles du jeu » qu’ils dénonçaient, les Verts ont même directement participé au «jeu politique».
Ils ont perdu la dimension morale initiale.
Progressivement, être Vert ne signifie donc non seulement rien de nouveau mais surtout rien de différent.
Sans identité, ayant adhéré à une offre politique qu’elle contestait fondamentalement, l’écologie a été frappée d’un total désarroi. Parce qu’elle a été prise au piège du système qu’elle dénonçait, elle a même parfois subi un "flinguage politique" encore plus sévère que les autres acteurs du système classique.
Dans ce paysage, la victoire d'Eric Piolle à Grenoble ouvre une page locale originale.
Originale, par le profil même de son leader qui a multiplié les signes extérieurs de tolérance, de compétence, de modération.
Originale, par l'attelage politique large qui s'est avéré particulièrement bien "huilé" pendant la campagne électorale mais qu'en sera-t-il lors des arbitrages concrets de gestion ?
Originale surtout parce que le défi majeur réside désormais dans l'identification d'une valeur ajoutée dans la gestion au quotidien. Où peut être la véritable différence ? La participation citoyenne ? Un nouvel urbanisme ?
La municipalité socialiste sortante a été débordée sur sa gauche. Mais que peut être une gestion qui serait davantage de "gauche" que la gestion sortante ?
Dans un entretien ce jour au quotidien régional, le Dauphiné Libéré, Eric Piolle évoque des changements "radicaux" mais dans des sujets qui relèvent d'abord des compétences de la Métro au moment même où il précise "qu'aucun représentant de l'exécutif grenoblois" ne prendra la tête de la ... Métro. Une Métro qui a été dernièrement considérablement "ré-équilibrée" par l'entrée de petites Communes du Sud de l'agglomération grenobloise.
La facilité consiste souvent à établir un parallèle avec le début des mandats Dubedout. Mais ce parallèle ne résiste pas sérieusement à l'examen car la décentralisation n'existait pas à cette époque et que les pouvoirs directs du Maire ne peuvent être comparés entre ceux de la fin des années 60 et les actuels.
C'est donc tout l'enjeu de l'identité même d'une gestion écologiste qui est posée. Sous cet angle, c'est une période particulièrement intéressante qui s'ouvre.
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